Si le dihydrogène (H2) apparaît aujourd'hui comme un vecteur énergétique important pour décarboner nos modes de vie, c'est aussi, depuis longtemps, un réducteur essentiel qui permet à l'industrie chimique de transformer des composés oxydés en espèces hydrogénées, plus riches en énergie. Cette opération nécessite le plus souvent des températures et des pressions élevées.
La liaison Si-H étant davantage polarisée et plus pauvre en énergie que H-H, les hydrosilanes (composés contenant une liaison Si-H) sont plus réactifs que les hydrocarbures et transfèrent plus facilement leur atome H à des composés organiques insaturés. Ils autorisent des réductions dans des conditions douces de température et de pression et offrent donc des sélectivités chimiques remarquables. La diversité des compositions chimiques des hydrosilanes et de leurs pouvoirs réducteurs offre également aux chimistes une palette de réactions intéressantes pour désoxygéner les composés issus de la biomasse, le CO2, etc. et espérer produire un jour des produits chimiques et combustibles à partir de composés naturels renouvelables.
Certains hydrosilanes oxygénés sont des déchets de l'industrie des silicones (polyméthylhydrosiloxane ou PMHS) mais il reste difficile et coûteux en énergie d'en produire d'autres, ce qui limite actuellement l'utilisation de ces composés. Il serait donc très intéressant de pouvoir hydrogéner – par une voie catalytique et dans des conditions douces – des déchets oxygénés siloxanes (rebuts industriels) ou des chlorosilanes Si-Cl produits à grande échelle.
C'est l'un des buts visés par le projet ERC ReNewHydrides porté par Thibault Cantat, chercheur à l'Iramis. Son équipe a développé des systèmes catalytiques – composés d'un catalyseur en présence d'une base adéquate – permettant d'effectuer, avec d'excellents rendements, les transformations [Si]-X (où X est I, Br ou Cl) en [Si]-H, dans des conditions douces de température et de pression (1 à 10 bars de H2).
Grâce à différentes techniques (RMN, synthèses et structures cristallines, suivis cinétiques, simulations DFT), les chimistes ont identifié les espèces responsables de l'activité catalytique et ont pu améliorer les processus de transfert d'hydrure (H-).
Ces résultats ouvrent la voie à de nouveaux systèmes catalytiques, moins énergivores que les systèmes actuels, pour un procédé de production d'hydrosilanes renouvelables.