L'océan Austral est un vaste océan anneau connecté à l'Atlantique, au Pacifique et à l'océan Indien par le courant circumpolaire antarctique, le courant marin le plus puissant du monde. Il joue un rôle central sur le climat global car il est le principal accumulateur de chaleur océanique et puits de carbone de la planète. Mais les vents violents et les variations de températures exceptionnelles qui le caractérisent ne favorisent pas son étude sur le terrain et les changements climatiques du passé dans cette région restent peu documentés.
Dans ce contexte, des chercheurs du LSCE présentent le premier enregistrement de l'excès en deutérium depuis 800.000 ans. Celui-ci a été réalisé, grâce à des analyses isotopiques sur la glace, à partir de la carotte Epica Dome C (European Project for Ice Coring in Antarctica), extraite dans la partie orientale du continent.
Cette période de 800.000 ans est intéressante car elle compte plusieurs transitions glaciaires-interglaciaires qui sont des « bancs d'essais » idéaux pour les modèles climatiques. En effet, ces changements climatiques de grande ampleur répondent à diverses configurations d'éclairement solaire (« forçage orbital ») et sont associés à des variations majeures de la teneur atmosphérique en gaz à effet de serre.
Les scientifiques montrent que l'excès de deutérium est un traceur puissant pour la reconstruction de la température de surface des sources de précipitations (régions d'évaporation) situées dans le secteur indien de l'océan Austral.
Au cours des périodes interglaciaires entre -350.000 et -750.000 ans, les températures maximales de ces sources sont synchrones avec celles de l'Antarctique.
Pour les autres périodes interglaciaires, les températures maximales des sources d'évaporation sont retardées de plusieurs millénaires par rapport à celles de l'Antarctique. Ce phénomène se produit lorsque les températures maximales sont atteintes très vite au début de l'interglaciaire.
Ces divergences de comportement entre l'Antarctique et l'océan Austral s'expliquent par un déplacement vers le nord des régions océaniques sources d'évaporation lors du début des interglaciaires caractérisés par un maximum de température précoce.