Dans une revue publiée dans le journal Endocrine, des chercheurs du CEA-Jacob, de Gustave Roussy (Villejuif) et un spécialiste de la radioprotection (EDF), comparent les conséquences des accidents nucléaires de Tchernobyl et Fukushima sur le niveau d'exposition aux radiations ionisantes des populations vivant à proximité des centrales.
Lors de ces accidents, les populations ont été contaminées par inhalation d'iodes radioactifs, et par ingestion de nourriture contaminée et produite localement. L'iode se fixe au niveau de la glande thyroïde qui l'utilise pour synthétiser ses hormones. La concentration des iodes radioactifs peut devenir particulièrement importante chez les enfants, dont la glande est beaucoup plus petite. Pendant l'enfance, la thyroïde est très radiosensible en raison de la prolifération des thyrocytes – les cellules qui produisent et sécrètent les hormones thyroïdiennes – et l'exposition aux radiations ionisantes augmente significativement le risque de développer un cancer radio-induit pour des doses d'au moins 50 mGray (mGy) à la thyroïde, cinq à dix ans après l'exposition. L'effet d'une exposition aux radiation ionisantes chez l'adulte, après la période de forte radiosensibilité de la thyroïde, n'est pas démontré.
Dans les résultats compilés par les auteurs de la revue, à Tchernobyl, les doses reçues à la thyroïde sont comprises pour la majorité des personnes exposées entre quelques mGy et 100-500 mGy. À Fukushima, les doses à la thyroïde varient de 1-2 mGy à 20 mGy, c'est-à-dire en deça de la dose estimée pour un risque significatif de développer un cancer radio-induit de la thyroïde.
Par ailleurs, les auteurs ont recensé des résultats concernant la distinction biologique des cancers radio-induits des cancers spontanés, incluant des résultats obtenus par le CEA-Jacob. Car pour mieux définir les risques suite à une exposition à de faibles doses, il faut pouvoir distinguer ces deux types de cancers, qui présentent pourtant les mêmes caractéristiques cliniques, anatomo-pathologiques et mutationnelles. La revue identifie des signatures moléculaires robustes et prometteuses, permettant cette discrimination.
Les conséquences de l'accident de Tchernobyl montrent clairement que les populations vivant à proximité d'une centrale nucléaire doivent être protégées en cas d'accident par des abris, des restrictions alimentaires et une prophylaxie de l'irradiation de la thyroïde par l'administration d'iodure de potassium. Ces contre-mesures doivent être appliquées en priorité aux enfants, adolescents et aux femmes enceintes ; elles sont sûres et efficaces.