Comment former l'image d'un objet nanométrique ? Comme son nom l'indique, l'« imagerie sans lentille » permet de s'affranchir des limitations des systèmes optiques classiques. Elle consiste à éclairer l'objet avec une lumière spatialement cohérente de courte longueur d'onde. La figure de diffraction ainsi obtenue est ensuite traitée par des algorithmes qui permettent de reconstruire l'image de l'objet. De cette manière, la structure tridimensionnelle de virus ou de complexes de protéines qui ne peuvent être cristallisés a pu être révélée à l'aide de sources X ou extrême UV de dernière génération.
Est-il possible d'aller encore plus loin en capturant l'image d'un objet nanométrique mais cette fois, à l'échelle attoseconde (10-18 s) ? Il n'est pas si simple d'obtenir une image en un temps si court…
Des sources utilisant la génération d'harmoniques laser d'ordre élevé (comme la plateforme Attolab) ou des lasers à électrons libres attoseconde fournissent aujourd'hui des impulsions de durée ultra-brève allant jusqu'à des dizaines d'attosecondes. Cependant, les lois de la physique impliquent que cette contraction temporelle extrême s'accompagne d'un élargissement spectral. Le spectre élargi se compose de plusieurs « couleurs », produisant chacune une figure de diffraction distincte des autres. La figure de diffraction résultant de la superposition de ces contributions est alors « brouillée » et inexploitable.
Les chercheurs ont donc mis au point un algorithme qui permet de rendre « monochromatique » la figure de diffraction brouillée. L'efficacité de la méthode a été démontrée sur des figures de diffraction obtenues à l'aide de deux sources présentant une largeur spectrale de 12 % (au lieu de 1% typiquement) : un laser dans le domaine visible et la ligne Nanoscopium du synchrotron Soleil (rayons X).
Ces résultats prouvent qu'une imagerie à résolution nanométrique et attoseconde est désormais possible avec des sources utilisant la génération d'harmoniques laser d'ordre élevé (comme la plateforme Attolab) ou des lasers à électrons libres attoseconde. Ils ouvrent la voie à de nombreuses études de dynamiques électroniques en physique du solide, notamment pour l'électronique du futur (spintronique attoseconde par laser ou optoélectronique pétahertz).
Enfin, l'imagerie par rayonnement synchrotron doit pouvoir directement bénéficier de cette étude, qui peut permettre de diminuer d'un facteur dix les temps d'acquisition en imagerie statique, en tirant profit de la grande largeur spectrale de faisceaux synchrotron « blancs » et ceci sans perte de résolution spatiale.
Le projet européen PETACom, coordonné par Hamed Merdji, chercheur à l'Iramis
Aujourd'hui, l'électronique gigahertz est maîtrisée et le régime térahertz (10
12 Hz) est tout juste accessible. Bientôt, les composants électroniques vont progresser vers la gamme pétahertz (10
15 Hz), impliquant une dynamique attoseconde. Les diélectriques et les semi-conducteurs présentent des propriétés réversibles de mobilité ultra-rapide des électrons lorsqu'ils sont exposés à des champs lasers femtoseconde intenses (1 fs = 10
-15 s). Un fort courant d'électrons, entièrement contrôlé par le champ laser, oscille alors à des fréquences pétahertz dans la bande de conduction. L'objectif de PETACom est d'exploiter ces phénomènes physiques découverts récemment pour poser les bases de l'électronique pétahertz.
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En haut, les figures de diffraction dans les cas d'impulsions laser respectivement à bande spectrale étroite, large bande et rendues monochromatiques. En bas, les images reconstruites dans chacun de ces cas. (c)Julius Huijts/CEA LIDYL