Les chimistes savent aujourd'hui manipuler toutes sortes de molécules dans leurs ballons réactionnels. Dans un milieu biologique, l’affaire est toute autre. Pourtant, lier ou libérer sélectivement des molécules dans l’organisme permettrait des avancées majeures en médecine, notamment pour la délivrance de médicaments ou l’imagerie. C’est l’objectif d’une nouvelle discipline appelée chimie "click" ou bioorthogonale, autrement dit biocompatible. Cette chimie hautement sélective permet de réaliser des réactions non naturelles dans le sang, l’intérieur des cellules, ou encore au sein d'un organisme vivant.
La communauté de chimistes spécialistes de la chimie click recourt classiquement à des composés contenant des fonctions azotures comme briques polyvalentes pour lier des molécules complexes. Le CEA-Joliot, en collaboration avec l'Iramis, a découvert que des composés dits « mésoioniques » pouvaient remplacer avantageusement les azotures et a notamment identifié des composés appelés sydnones capables de lier des molécules ou des protéines d’intérêt pharmaceutiques par exemple pour construire des bioconjugués dont la préparation par des procédés classiques n’est pas évidente.
Dans des travaux récents, les chercheurs ont étudié une classe particulière de mésoioniques contenant des atomes de soufre, les 1,3-dithiolium-4-olates (DTO). Ils ont montré qu’il était possible de faire une double réaction click, et ainsi d’avoir la capacité de connecter trois molécules pour former un seul produit fluorescent d’une grande complexité structurale.
Leur procédé peut s’appliquer à des partenaires réactionnels très complexes tels que des peptides, des protéines ou des médicaments pour en faire des objets fluorescents, d’intérêt en pharmacologie. Des travaux sont en cours au CEA-Joliot pour utiliser ce type de chimie biocompatible dans le cadre du développement de nouveaux produits pour la thérapie ciblée.