Au cours de la dernière décennie, un effort international a été lancé pour créer une « cellule artificielle » : un système minimal résultant de l'assemblage ascendant de blocs de construction élémentaires qui capturerait les fonctions essentielles des systèmes vivants. La réalisation d'un objectif aussi ambitieux marquerait un tournant dans la biologie. Bien qu'il s'agisse d'un défi étonnant, la convergence des avancées récentes dans plusieurs domaines suggère qu'il est à portée de main. L'objectif du projet SENSATION est de construire la première cellule artificielle capable de se polariser. Il sera basé sur la reconstitution d'un système dynamique de filaments du cytosquelette, en constant renouvellement, qui peut détecter un signal local et se reconfigurer complètement pour s'orienter vers lui. Cette propriété fondamentale est partagée par toutes les cellules animales.
Le projet propose de construire des réseaux de cytosquelettes réactifs dans un espace confiné en 2D et 3D, qui peuvent adopter de manière réversible des états polarisés ou symétriques, dans des compartiments rigides ou déformables. SENSATION permettra d’améliorer notre compréhension de la polarisation des cellules vivantes et de profiter de ces avancées pour reconstituer ce processus dans une cellule artificielle.
Manuel Théry est chercheur en biophysique au laboratoire Physiologie Cellulaire & Végétale (LPCV) du CEA-Irig où il dirige l’équipe CytoMorphLab depuis 2010. Diplômé de l’École Supérieure de Physique et Chimie Industrielle de la ville de Paris (ESPCI Paristech), il a effectué sa thèse sur l’architecture des cellules à l’Institut Curie sous la direction de Michel Bornens. Au cours de ces travaux, il a mis au point des techniques originales de microfabrication de surface permettant de contrôler la forme, la polarité et la division des cellules adhérentes. Il a ensuite effectué un stage postdoctoral au CEA de Grenoble pour étudier les divisions des cellules souches mésenchymateuses. En 2010, il fonde l'équipe CytoMorphoLab du LPCV avec Laurent Blanchoin. Ensemble, ils utilisent des protéines purifiées pour reconstituer
in vitro les réseaux de filaments du cytosquelette. En associant ces réseaux de filaments à des techniques de microfabrication, ils étudient les lois fondamentales de construction des architectures intra-cellulaires. En 2013 Manuel Théry installe son équipe à l’Hôpital Saint Louis où il étudie la polarité et les divisions des cellules souches hématopoiétiques. En 2023 il déménage à l’Institut Pierre Gilles De Gennes dans l’objectif de reconstituer les briques élémentaires permettant la construction de l’architecture d’une cellule artificielle. Les travaux de Manuel Théry ont été soutenus par des financements de l’ERC en 2013 et 2018.