Les micro-ARN (miARN ou mIR) sont des acides ribonucléiques simple-brin très courts (en général de 21 à 24 nucléotides), capables d’inhiber l’expression d’un gène cible par appariement à une séquence complémentaire de l’ARN messager conduisant à sa répression traductionnelle ou à sa dégradation. Les recherches menées sur les miARN ont mis en évidence leurs multiples rôles dans la régulation (négative et parfois positive) de l’expression des gènes. L’expression aberrante de miARN serait également impliquée dans de nombreuses pathologies, et des thérapies fondées sur les miARN sont actuellement à l’étude.
En étroite collaboration avec l’équipe du Dr Charlotte Bevan à l’Imperial College of London, et plus particulièrement le Dr Claire Fletcher qui a passé 6 mois dans cette équipe, les chercheurs de l'Irig ont participé à la caractérisation de plusieurs miR qui jouent un rôle dans la cancérogenèse prostatique.
Les androgènes et leur récepteur (AR) jouent un rôle prépondérant dans le cancer de la prostate. Afin d'identifier systématiquement les miR susceptibles de moduler l'activité de AR dans les cancers prostatiques, une lignée cellulaire exprimant le gène d’AR fusionné à la luciférase (une protéine luminescente permettant de suivre l’expression du gène AR dans les cellules) a été
transfectée (génétiquement modifiée de manière temporaire) en présence d’une collection d'inhibiteurs de tous les miR connus du génome humain. Soixante-dix-huit inhibiteurs ont conduit à une modulation de l’expression d’AR. Parmi eux, trois ont réduit de façon significative à la fois la transcription du gène d'AR, les taux d’ARN messager et de protéine.
En résumé, cette étude a permis d’identifier des miR qui modulent l'activité AR dans les cancers de la prostate, y compris le cancer de la prostate résistant à la castration hormonale. De nouveaux mécanismes susceptibles d’ouvrir des voies thérapeutiques originales sont à l'origine de ces observations.
Les résultats de cette étude en détail :
Parmi les 78 inhibiteurs de miR, les inhibiteurs de miR-346, miR-361-3p et miR-197 ont réduit de façon marquée la transcription du gène d'AR, les taux d’ARN messager et de protéines, tout en induisant l’apoptose et en inhibant la prolifération, la transition épithélio-mésenchymateuse, la migration et l'invasion des cellules prostatiques transfectées. A l’inverse, les mimiques de miR correspondants ont augmenté l'activité AR grâce à un nouveau mécanisme antidogmatique mis au jour par cette étude, d'association directe avec la région 3'UTR du gène d’AR et la stabilisation de la transcription. L'analyse des cibles miR identifiées par AGO-PAR-CLIP a révélé des rôles dans la réplication et la réparation de l'ADN, le cycle cellulaire, la transduction du signal et la fonction immunitaire. Comme attendu, la déplétion de ces cibles, y compris les gènes suppresseurs de tumeurs ARHGDIA et TAGLN2, a permis de « phénocopier » l’effet des miR.
On appelle
transfection le processus de transfert de gènes, c'est-à-dire l'introduction de matériel génétique exogène dans des cellules eucaryotes.