Les cellules ressentent et s'adaptent constamment à leur environnement. En réponse à un signal externe, elles ont la capacité de se « polariser » en réorganisant leur squelette interne, le cytosquelette, et en repositionnant leurs organelles selon un axe défini par la position du signal. La conception d'une cellule artificielle capable de se polariser à partir de constituant élémentaire représente une stratégie intéressante pour améliorer notre compréhension des principes d'auto-organisation du vivant et pourrait ouvrir la voie à l’élaboration de matériaux ayant des capacités d’adaptation à un stimuli.
L’acquisition de polarité est une fonction primitive permettant aux unicellulaires de se diriger vers une source de nutriment ou de fuir un prédateur. Au cœur d’un tissu, elle permet aux cellules d’orienter leurs activités de sécrétion, d’absorption ou de transmission de signaux, en fonction de la position et de la forme des cellules voisines. Bien que les acteurs moléculaires varient d’un organisme à l’autre, les mécanismes impliqués dans la polarisation semblent conservés dans le vivant. Ils sont basés sur la réorganisation du cytosquelette. Dans les cellules animales, le cytosquelette d’actine très dynamique est le premier à réagir en ajustant localement son organisation par rapport au signal. Le réseau de microtubules s’adapte ensuite aux multiples structures locales du réseau d’actine. L’organisation radiale des microtubules autour du centre organisateur, le centrosome, lui permet d’intégrer ses informations à l’échelle de l’ensemble de la cellule et de définir une unique réponse globale. Le mécanisme d’intégration des informations est encore inconnu. Il implique un repositionnement du centrosome vers le signal en réponse à une réorganisation des forces dans le réseau de microtubules. Où et comment les forces sont-elles produites sur les microtubules ? Comment sont-elles intégrées au niveau du centrosome ? Comment le réseau d'actine influence ces forces ? sont autant de questions qu’il est nécessaire d’aborder pour comprendre les mécanismes impliqués dans la polarité cellulaire.
Organisation des microtubules dans un compartiment de taille cellulaire (diamètre 60 µm).
Crédit : Jérémie Gaillard, Alfredo Sciortino, Benoît Vianay, Cytomorpholab.
Les chercheurs de l'Irig ont utilisé des protéines purifiées pour reconstituer
in vitro dans des micropuits de taille cellulaire (Image ci-dessus), l'interaction d'un aster de microtubules avec des réseaux d'actine d'architectures diverses. En l'absence de filaments d'actine, le positionnement de l’aster est très sensible aux variations de la longueur des MT. Les réseaux d'actine permettent de limiter la sensibilité du positionnement des MTOC à la longueur des MT et renforcer le centrage ou le décentrage des MTOC en fonction de l'isotropie de leur architecture.
Ces résultats montrent que les réseaux d'actine peuvent imposer des contraintes aux microtubules permettant le contrôle du positionnement du MTOC en fonction de la longueur des MT. De plus, le réseau d'actine renforce le centrage ou le décentrage du MTOC en fonction de son architecture. Les résultats et les techniques mises en œuvre représentent une étape importante vers la reconstitution dans une cellules artificielles d’une des fonctions primitives du vivant : l’acquisition de polarité.