Au niveau microscopique, chaque cellule présente une charpente interne, le cytosquelette, constituée de protéines spécialisées qui assurent la génération et la transmission des forces cellulaires à leur environnement. Parmi ces protéines, l’actine forme des filaments qui sont déplacés sous l’action de moteurs moléculaires appelés myosines, générant ainsi des câbles contractiles s’apparentant à des ressorts élastiques étirés entre deux points d’ancrage. Bien que ces structures soient largement reconnues comme participant à la production de force à l’échelle moléculaire, le mécanisme par lequel les forces sont générées et réparties à l’échelle de la cellule demeure quant à lui inconnu.
Afin de caractériser la production de forces dans ces câbles contractiles, des chercheurs de l’Irig ont procédé à leur coupure en réalisant une incision précise à l’aide d’un faisceau laser (
Figure 1).
Figure 1 : Illustration montrant la coupure d’une fibre de stress dans une cellule épithéliale de rétine (en blanc dans l'image du haut) grâce à un laser (représenté en orange au-dessus de la fibre). L’image du bas représente les forces développées par cette cellule sur son support.Cette manœuvre a permis d’obtenir un résultat inattendu : la force cellulaire totale s’en trouvait à peine affectée, montrant ainsi que d’autres structures du cytosquelette étaient à l’œuvre pour produire et transmettre les forces au niveau de la cellule. Le faisceau laser a alors été utilisé pour générer des coupures au sein du réseau d’actine qui tapisse la membrane cellulaire, réseau jusqu’alors considéré comme passif. En modélisant ensuite la contribution de l’ensemble du réseau d’actine par des paramètres physiques, les chercheurs ont compris que c’est l’ensemble du réseau d’actine sub-membranaire qui produisait des forces et pas seulement les fibres de stress. En utilisant plusieurs techniques complémentaires permettant d’améliorer la résolution des images du cytosquelette, les chercheurs ont aussi découvert que les fibres de stress, loin d’être des structures isolées, étaient en réalité complètement enchevêtrées dans le réseau membranaire. Enfin, les chercheurs se sont intéressés à la formation des fibres de stress en réalisant des vidéos et ont ainsi mis en évidence qu'elles avaient une origine inattendue : la contraction et l’alignement des fibres le long de la membrane, expliquant ainsi leur incrustation dans ce réseau.
Ce travail a ainsi permis aux chercheurs de proposer un nouveau modèle d'assemblage des fibres de stress, selon lequel les points d'ancrage des cellules à leur environnement extérieur dirigent la tension dans le réseau qui tapisse la membrane, ce qui aligne et concentre les filaments, et induit la formation des fibres de stress (
Figure 2). Cette étude a par ailleurs permis de révéler l’existence d’une intégrité mécanique au sein de la cellule qui, bien que composée de multitudes de petits filaments, se comporte comme un objet unique entièrement connecté.
Figure 2 : Illustration de fibres de stress incrustées dans un réseau membranaire d’actine.
Image du réseau d'actine d’une cellule gliale (cellule du système nerveux) réalisée en super-résolution montrant l’enchevêtrement des grosses fibres de stress avec le réseau d’actine membranaire environnant (image de droite = zoom de l’image de gauche).