Les noyaux des atomes qui nous composent sont eux-mêmes constitués de neutrons et de protons intimement liés. Lorsque les neutrons sont extraits des noyaux, ils deviennent instables ou radioactifs. Un neutron « libre » se transforme alors en proton, accompagné d'un électron et d'un antineutrino, par décroissance bêta.
Or la durée de vie du neutron libre, voisine de 880 secondes, est un paramètre fondamental du modèle standard de la physique des particules, d'où l'importance particulière de sa mesure précise.
Il existe deux familles d'expériences permettant de mesurer cette grandeur.
- La méthode « faisceau » compare l'intensité initiale d'un faisceau de neutrons « froids » au nombre de protons émis par seconde, par décroissance bêta des neutrons.
- La méthode dite de la « bouteille » consiste à stocker des neutrons ultra-froids dans un piège et à mesurer la population de neutrons après un certain temps.
Il s'avère que ces deux mesures conduisent à un écart proche d'un pourcent, mais très supérieur aux incertitudes expérimentales. Cette anomalie pourrait être l'indice d'un mode de décroissance encore inconnu du neutron libre, impliquant par exemple une ou plusieurs particules de matière noire dans l'état final.
Tester l'hypothèse d'une émission de matière noire
Si une telle décroissance en matière noire existe pour le neutron libre, alors elle devrait également se produire dans l'hélium 6, dont le noyau est composé d'un cœur d'hélium 4 et d'un halo de deux neutrons quasi-libres. Si l'un de ces deux neutrons se transformait en matière noire, alors le deuxième serait libéré automatiquement. Un phénomène que ne prévoit pas le modèle standard et qui signerait la création de matière noire !
Pour tester son existence, des physiciens de l'Irfu et leurs partenaires ont couplé le faisceau d'hélium 6 de Spiral1, au Ganil (à Caen), avec le détecteur de neutrons très performant Tetra, issu d'une collaboration avec le Laboratoire de physique des deux infinis Irène Joliot-Curie (IJCLab) à Orsay.
L'expérience a permis d'établir que la probabilité d'occurrence de ce mode de décroissance ne dépasse pas 4×10-10. Cette valeur ajoute une contrainte à celles produites d'autres approches et suggère qu'une décroissance en matière noire n'est a priori pas la cause première du « problème de la durée de vie du neutron ».