L'hydrogène moléculaire H2 est le composant principal des nébuleuses et du gaz interstellaire, loin devant les ions. Dans ces milieux peu denses, il se produit, sur des temps longs, des collisions entre l'hydrogène et les ions. Celles-ci peuvent arracher à la molécule ses deux électrons et la faire exploser en deux fragments H+ de 9,5 eV. Dans le cas d'interactions de moindre énergie, les protons peuvent être émis en dessous d'un eV. Or ce régime de basse énergie est peu étudié car les mesures y sont difficiles. Pourtant plusieurs questions intéressent les astrophysiciens. Les protons sont-ils émis de manière isotrope ou non ? L'énergie rotationnelle de la molécule d'hydrogène peut-elle modifier la distribution des vitesses des protons d'énergie inférieure à un eV ?
Un temps de vol sans champ
Pour répondre à ces questions, des chercheurs de l'Iramis (Cimap) et leurs partenaires ont reproduit en laboratoire des collisions en jets croisés entre des ions O+ et des molécules H2. L'énergie des ions O+ de 10 keV est représentative d'un milieu tel que la magnétosphère de la planète Jupiter, ainsi que de vents stellaires. Pour étudier les collisions O+-H2, ils ont dû développer un dispositif d'analyse par temps de vol, protégé des champs magnétiques extérieurs (jusqu'à 10-7 tesla). Une condition indispensable pour détecter des fragments H+ de basse énergie, inférieure à l'électronvolt.
Le dispositif permet de mesurer la carte des vitesses des protons émis. Il révèle un maximum d'émission entre 0,1 et 0,3 eV, domaine d'énergie cinétique dans lequel les fragments sont issus de la dissociation d'ions H2+ (produits par capture d'un seul électron de la molécule H2).
Dans quel sens tourne la molécule ?
Plus précisément, les protons sont majoritairement émis dans des directions perpendiculaires au faisceau d'ions projectiles, avec une faible composante de vitesse perpendiculaire à leur trajectoire. Cette faible composante (positive ou négative) s'explique par le mouvement de rotation de la molécule H2, dans un sens ou dans l'autre. Cette interprétation est confirmée par une expérience substituant à H2 la molécule D2 – le deutérium D est un isotope de l'hydrogène, deux fois plus lourd que lui – qui montre que les composantes perpendiculaires des vitesses des fragments D+ sont alors divisées par 2.
Ces effets de rotation influencent notablement les probabilités d'émission des fragments, avec des conséquences importantes pour la perte d'hydrogène induite par le rayonnement et la dissociation de H2 dans l'atmosphère des planètes et des lunes.
Ces travaux ont été réalisés en collaboration avec l'Institut ATOMKI (Hongrie) dans le cadre d'une collaboration IEA-CNRS (International Emerging Actions).