Le sol est principalement constitué de matière organique, de minéraux, d'air et d'eau. Il contient du carbone, qui n'est pas seulement d'origine organique mais aussi d'origine minérale (ou inorganique).
Le carbone inorganique des sols est bien sûr présent dans les minéraux, mais aussi dans l'air et l'eau des sols. Souvent présent sous forme de carbonate de calcium – qu'on retrouve en grande quantité dans le calcaire, le marbre ou la craie – il donne au sol une couleur blanchâtre, contrastant avec la coloration foncée du carbone organique.
Comme il a tendance à s'accumuler dans les sols infertiles de régions sèches, on a longtemps sous-estimé son importance.
Un puits de carbone gigantesque et vulnérable
Une collaboration internationale impliquant le LSCE remet en question ce point de vue en s'appuyant sur des techniques d'intelligence artificielle.
Elle révèle que 2305 milliards de tonnes de carbone sont stockés sous forme de carbone inorganique dans les deux premiers mètres des sols, à l'échelle globale. Soit plus de cinq fois le carbone contenu dans l'ensemble de la végétation mondiale !
Mais cet énorme réservoir de carbone est vulnérable aux changements environnementaux, et en particulier à l'acidification des sols. En effet, les acides dissolvent le carbonate de calcium et le carbone est alors relâché sous forme de gaz carbonique dans l'air ou dans l'eau. En particulier, des pays comme la Chine et l'Inde connaissent une forte acidification des sols, en raison d'activités industrielles et agricoles intensives. Si aucune mesure n'est prise, il est probable que ces pays seront confrontés aux plus grandes perturbations du stock de carbone inorganique des sols des trente prochaines années.
Bon pour le climat et pour les sols
Non seulement le carbone inorganique des sols joue un rôle inestimable dans le stockage du carbone, mais il contribue également au maintien de sols sains. Il aide le sol à neutraliser l'acidité, à réguler les niveaux de nutriments, à favoriser la croissance des plantes et à stabiliser le carbone organique. Les perturbations qu'il a connues au cours de l'histoire de la Terre ont de fait affecté profondément les écosystèmes.
Les dernières recherches, menées par l'équipe internationale (Chine, Australie, États-Unis, France, Allemagne, Égypte, Russie et Autriche) soulignent qu'environ 1,13 milliard de tonnes de carbone inorganique est perdu chaque année par les sols, au bénéfice des eaux intérieures. Un phénomène souvent négligé qui impacte fortement les cycles du carbone atmosphérique et hydrosphérique.
Si la préservation des sols est aujourd'hui reconnue comme une arme importante pour lutter contre le changement climatique, il est désormais évident que le carbone inorganique, jusque-là négligé, mérite la même attention que le carbone organique.
Cette nouvelle étude souligne l'urgence d'intégrer le carbone inorganique dans les stratégies d'atténuation du changement climatique. Les programmes internationaux tels que l'initiative 4 pour mille, qui vise à augmenter de 0,4 % par an la teneur en carbone organique des sols, devraient également prendre en compte le rôle essentiel du carbone inorganique dans la gestion durable des sols et l'atténuation des effets du changement climatique.