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Où sont les neutrons dans le halo d’un noyau ?


​Le CEA-Irfu et le RIKEN (Japon) sont parvenus à extraire des informations sur la configuration géométrique des halos de neutrons entourant certains noyaux légers, grâce à des expériences utilisant notamment la cible d'hydrogène liquide MINOS développée par le CEA, combinées à une approche théorique de type « modèle à 3 corps ».
Publié le 15 juin 2023

Les noyaux légers riches en neutrons ont d'étonnantes propriétés. Certains d'entre eux possèdent des « halos » de neutrons. Ainsi, le noyau à halo de lithium 11 a un rayon de matière équivalent à celui du calcium 48, qui possède pourtant environ quatre fois plus de nucléons (protons et neutrons) ! Ces drôles de noyaux offrent un terrain de jeu unique pour les physiciens qui cherchent en particulier à élucider l'arrangement géométrique des neutrons dans le halo.

En particulier, les noyaux de lithium 11 (11Li), béryllium 14 (14Be) ou bore 17 (17B) ont chacun un halo composé de deux neutrons et sont appelés des noyaux borroméens. Car, de même qu'il suffit de couper un des trois anneaux borroméens pour libérer les deux autres, il suffit de leur arracher un des neutrons de leur halo pour que ces noyaux deviennent instables et se fragmentent en deux particules. Ainsi par exemple, si on arrache un neutron au noyau 11Li, celui-ci se désintègre instantanément en un neutron et un noyau 9Li.  

Les physiciens ont imaginé trois configurations possibles pour les deux neutrons d'un halo :

  • Ils sont indépendants l'un de l'autre (« non corrélés ») ;
  • Ils sont situés de part et d'autre du « cœur » du noyau (« cigare ») ;
  • Ils sont accolés l'un à l'autre (« dineutron »).

Alors qu'ils ont pu étudier à plusieurs reprises un halo « dineutron » pour 11Li, ils ne savent que peu de chose sur les halos de 14Be et 17B.

Des expériences permises par les performances de MINOS

Pour explorer ces structures exotiques, une équipe copilotée par l'Irfu et le RIKEN Nishina Center (Japon) a voulu étudier expérimentalement l'arrachage d'un neutron du halo de 11Li, 14Be et 17B.

Ces expériences sont extrêmement difficiles. Il faut d'abord produire des faisceaux radioactifs très brillants de 11Li, 14Be ou 17B, ce qu'autorisent les performances exceptionnelles du Radioactive Isotope Beam Factory de RIKEN (RIBF), puis les projeter sur une cible d'hydrogène pour arracher un neutron du halo, et enfin détecter les fragments après désintégration du noyau. Pour cela, il faut détecter en coïncidence le proton de recul, le neutron enlevé, le neutron émis et le noyau résultant de la désintégration. Un exploit que permet le concept MINOS (Magic Number Off Stability) associant une cible d'hydrogène liquide épaisse et un trajectographe, combiné avec le dispositif SAMURAI (Superconducting Analyzer for Multi-particles from Radioisotope beams) de RIKEN.

Les scientifiques ont pu mesurer les impulsions des particules, les cartographier dans l'espace des impulsions, puis relier mathématiquement ces cartes à leur configuration spatiale. Pour étayer leur interprétation, ils ont collaboré avec des théoriciens des réactions nucléaires de l'Université de Séville (Espagne), qui ont mis au point une méthode basée sur le « modèle à trois corps ». Le modèle, validé pour le 11Li, a été aussi comparé à plusieurs observables issues de la même expérience avec du 14Be.

Le modèle à trois corps ayant été validé, les chercheurs ont pu l'utiliser pour calculer la distribution de la densité de probabilité pour les trois noyaux d'intérêt. La configuration « dineutron » culmine vers les petites valeurs de la distance neutron-neutron, tandis que la configuration « cigare » s'étend vers les grandes valeurs. Dans tous les cas, mais en particulier pour 11Li, elle est dominante.

À l'avenir, les chercheurs vont étendre leur analyse à d'autres noyaux pour vérifier que la configuration « dineutron » est une caractéristique universelle des noyaux borroméens, comme le suggère cette première étude.



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