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Matériaux quantiques

Exploration de nouveaux phénomènes électroniques collectifs par spectroscopie de Higgs


​Des chercheurs du CEA-Iramis (LSI) et leurs partenaires ont exploré de nouveaux phénomènes électroniques collectifs dans des composés supraconducteurs Ba1-xKxFe2As2 en utilisant des impulsions térahertz. 
Publié le 10 janvier 2023

Qui sait que la théorie de la supraconductivité a mis Peter Higgs et ses collègues sur la voie du boson éponyme ? Un lien formel unit en effet l'appariement des paires d'électrons (dites de Cooper) dans un supraconducteur et l'acquisition de la masse de certaines particules : ils résultent tous deux d'une « brisure de symétrie » associée à une transition de phase. Le développement, au voisinage de la transition, de l'énergie du système en fonction de son paramètre d'ordre complexe présente un puits de potentiel en forme de chapeau mexicain, dont la profondeur est liée au gap en énergie entre les deux états et la symétrie circulaire traduit une invariance de phase.

Les fluctuations du paramètre d'ordre du système supraconducteur peuvent alors être soit un mode de phase, soit un mode d'amplitude (ou « mode de Higgs ») qui modifie l'énergie du système et se manifeste par une fluctuation de l'appariement des paires de Cooper. Le mode de Higgs est longtemps resté insaisissable car il ne se couple pas linéairement aux sondes spectroscopiques. Il peut cependant être excité par un processus non linéaire à 2 photons, par la génération résonante de 3ème harmonique ou par effet Kerr. De plus, l'avènement de sources térahertz (1012 Hz) performantes, dont l'énergie (quelques milli-électronvolts) est adaptée pour se coupler de façon résonante avec le mode Higgs, ouvre la voie à une « spectroscopie du Higgs » dans les supraconducteurs.

Une collaboration de chercheurs, à laquelle est associé le LSI, a étudié le composé Ba1-xKxFe2As2, dans lequel la supraconductivité coexiste avec un ordre électronique nématique. Dans ce système, ils ont pu observer le mode de Higgs par des mesure d'effet Kerr : la réflectivité du matériau, sondée à l'aide d'un faisceau laser infrarouge (dit sonde), est modifiée lorsqu'il est soumis à une impulsion térahertz intense (dite pompe) excitant le mode de Higgs. Cette technique permet notamment de déterminer la symétrie des excitations électroniques en changeant la polarisation des faisceaux de pompe et de sonde.

En variant la concentration en potassium, les chercheurs ont pu explorer le diagramme de phases du composé et comparer la spectroscopie du Higgs, pour un état supraconducteur simple, à celle d'un état supraconducteur où coexiste un ordre nématique électronique.

  • Les mesures effectuées dans l'état supraconducteur simple confirment un couplage au mode de Higgs conforme aux prédictions théoriques.
  • Les mesures effectuées dans l'état supraconducteur, où coexiste l'ordre nématique électronique, révèlent un changement brutal et inattendu de symétrie du signal.

Or les calculs analytiques de la réponse du mode de Higgs sont incompatibles avec ce changement de symétrie, suggérant l'apparition d'un nouveau couplage, activé par la présence de l'ordre nématique. Le couplage à une autre excitation collective des paires de Cooper – le mode de Bardasis-Schrieffer – pourrait ainsi avoir été mis en évidence. 


© Romain Grasset CEA-LSI



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