Les nitrures d'aluminium ou de bore (AlN, BN) sont des cristaux semi-conducteurs qui peuvent émettre et détecter de la lumière bleue et ultra-violette. En particulier, AlN est utilisé en optronique comme substrat pour les diodes électroluminescentes dans l'UV. Il faut alors éviter la formation de défauts cristallins (lacune d'atome ou atome interstitiel) susceptibles de dégrader les performances du composant photonique. Dans d'autres applications, ces défauts (ou centres colorés) pourraient au contraire être exploités comme supports de bit quantique (systèmes quantiques à deux niveaux d'énergie).
Comment créer de tels défauts de manière contrôlée ?
Des chercheurs de l'Iramis (au CIMAP à Caen) ont étudié la formation de centres colorés dans le nitrure d'aluminium, par irradiation aux ions lourds rapides (Swift Heavy Ions) du Ganil. Les irradiations sont réalisées sous atmosphère contrôlée, sous vide ou sous pression partielle d'oxygène, d'argon ou de néon.
Sous oxygène, la création de défauts augmente d'un facteur 100 par rapport à des irradiations sous vide (avec oxygène résiduel). Les défauts formés sont alors probablement des complexes lacune d'azote – atome d'oxygène. A contrario, une atmosphère de gaz inerte (argon ou hélium) inhibe la création de défauts, les atomes Ar ou He « saturant » les sites que pourraient occuper les atomes d'oxygène résiduel.
Il est ainsi possible de favoriser ou d'inhiber de manière contrôlée la formation de centres colorés dans AlN.
De plus, les défauts étant créés le long de la trajectoire des ions, l'irradiation avec des ions lourds rapides offre l'avantage de pouvoir séparer spatialement ces défauts avec une meilleure précision qu'avec les méthodes récemment adoptées pour la création de qubits localisés :
- l'écriture laser femtoseconde, pour laquelle la précision est définie par la limite de diffraction du laser (≈ 500 nm),
- l'implantation ionique à basse énergie qui souffre d'imprécision liée aux fluctuations angulaires du faisceau d'ions.