Le Soleil est une étoile magnétique, dont l'activité intense a un impact direct sur notre société moderne et technologique. Cette activité est aujourd'hui modulée par des cycles de 11 ans. Ces cycles ont-ils toujours existé et peuvent-ils perdurer longtemps ?
Pour comprendre le magnétisme stellaire, il faut également s'intéresser à la rotation de l'astre. En effet, l'activité magnétique de l'étoile va de pair avec l'évolution de sa rotation : les étoiles jeunes tournent rapidement et sont très actives magnétiquement, tandis que les plus anciennes, sont plus lentes et moins actives.
Ainsi la rotation du Soleil a varié au cours de son histoire.
- Sa vitesse de rotation est constante pendant plusieurs millions d'années tant que la jeune étoile ne s'est pas découplée de son disque d'accrétion.
- Une fois ce disque dissipé par la formation de planètes, l'étoile se contracte et sa vitesse de rotation augmente jusqu'à sa valeur maximale, juste avant que les réactions de fusion nucléaire de l'hydrogène ne s'allument dans son cœur.
- Le Soleil débute alors sa « séquence principale ») et sa vitesse de rotation diminue tandis que se lève un vent de particules magnétisé extrayant son moment cinétique.
D'après l'observation d'amas d'étoiles d'âges différents, toutes les étoiles de type solaire voient leur vitesse de rotation converger vers une même valeur, 650 à 800 millions d'années après le début de leur séquence principale, et une relation linéaire entre l'âge de l'étoile et sa vitesse de rotation s'établit, ce qui ouvre la voie à une « gyrochronologie ». Or, des données du satellite Kepler semblent battre en brèche cette gyrochronologie : le freinage de la rotation des étoiles s'arrêterait vers l'âge du Soleil (4,5 milliards d'années).
Afin d'en savoir plus, une équipe internationale impliquant le CEA-Irfu a étudié l'origine du magnétisme et de la rotation du Soleil et des étoiles de type solaire en s'appuyant sur des observations et des simulations magnéto-hydrodynamiques en calcul intensif.
Pour cela, ils ont réalisé des simulations numériques multidimensionnelles 3D MHD avec le code ASH sur les supercalculateurs GENCI du TGCC à Bruyères-le-Châtel et de l'Idris.
En variant la masse et la rotation des étoiles, ils ont obtenu 15 états de rotation interne qui se répartissent en 3 profils, caractérisés à l'aide d'un paramètre appelé nombre de Rossby (ou Ro) :
- « quasi-solide » pour les étoiles jeunes en rotation rapide (Ro < 0,2)
- « solaire », avec un équateur rapide et des pôles lents pour les étoiles d'âges intermédiaires (Ro ~ 0,2 - 0,7)
- « anti-solaire », avec des pôles rapides et un équateur lent pour les étoiles âgées (Ro > 1).
Les trois profils conduisent à 3 régimes de magnétisme observés dans les simulations :
- à cycles à période courte (< 2 ans) pour les petits nombres de Rossby,
- à cycles longs pour les nombres de Rossby intermédiaires (cas du Soleil),
- stationnaire pour les nombres de Rossby supérieurs à 1.
Il semble donc qu'un profil de rotation anti-solaire favorise la transition d'un magnétisme cyclique à un régime stationnaire.
Or, les chercheurs montrent que dans le profil de rotation anti-solaire, le fonctionnement de la dynamo (à l'origine du magnétisme stellaire) renforce, dans la majorité des cas, le champ magnétique aux pôles plutôt qu'il ne l'annule pour en changer la polarité, comme c'est le cas pour le Soleil tous les onze ans.
Pour autant, cela signifie-t-il que la géométrie magnétique de la simulation a changé complètement, avec, par exemple, le passage d'un dipôle à grande échelle à une structure magnétique aux petites échelles (multipolaire) ? Si tel était le cas, l'efficacité du freinage par le vent stellaire serait fortement réduite.
- Pour Ro <1, l'accord entre simulations et observations est très bon.
- Pour Ro >1, le dipôle magnétique est dominant et ne peut expliquer l'anomalie détectée dans les données de Kepler.
Le magnétisme des étoiles en rotation lente (Ro>1) et leur éventuel freinage restent ainsi des questions ouvertes.
À la recherche des étoiles en rotation anti-solaire
Pour résoudre cette énigme, les chercheurs ont entrepris d'identifier des étoiles candidates au profil de rotation anti-solaire parmi les données de Kepler. 55.000 des 200.000 étoiles du catalogue ont fait l'objet d'une estimation de leur rotation et parmi elles, seules 22 ont un nombre de Rossby très supérieur à 1 qui les désigne comme intéressantes à étudier.
Elles pourront être observées par la mission spatiale de l'ESA PLATO (Planetary transits and oscillations of stars) dont le lancement est prévu en 2026 et auquel l'Irfu fournit des logiciels et des sous-systèmes pour les caméras rapides.
De plus, une compréhension plus fine du magnétisme stellaire aidera à mieux caractériser les nombreuses exoplanètes présentes dans notre environnement proche, qui orbitent très souvent autour d'étoiles actives qui perturbent les mesures de détection (par le transit de la planète devant l'étoile).