Les micro-organismes eucaryotes sont très abondants à la surface des océans, où ils exercent une influence considérable dans les cycles biogéochimiques et le climat mondial. Ces organismes incluent des lignées bien connues comme certaines algues vertes et diatomées, mais aussi une majorité d'espèces non décrites. En effet, l'énorme diversité inconnue du plancton eucaryote est en majeure partie récalcitrante à la culture en laboratoire, limitant la compréhension de leurs fonctions. Leur caractérisation génomique permettrait de mieux comprendre leur évolution et traits fonctionnels, le rôle des espèces clés dans les cycles biogéochimiques, ou encore leur capacité de résilience face au changement climatique. Pour cela, il fallait résoudre l'un des plus grands puzzles de génomique environnementale de notre époque : reconstruire les génomes de grande taille des espèces eucaryotes à partir des millions de fragments d'ADN obtenus par séquençage de métagénomes planctoniques. Jusque-là, la communauté scientifique utilisait cette approche sur les microorganismes dont les structures génomiques sont beaucoup plus simples : les bactéries et virus.
Une étude publiée dans Cell Genomics décrit un premier succès notable dans la caractérisation génomique des eucaryotes à grande échelle en évitant leur culture in vitro, révélant dans le même temps leurs surprenantes capacités fonctionnelles. Les chercheurs ont utilisé près de 300 milliards de séquences courtes d'ADN, l'équivalent de 10 000 génomes humains, produites au fil des ans au Genoscope à partir d'échantillons de surface de l'océan planétaire collectés lors des expéditions Tara Oceans. Ils ont ainsi réussi à reconstruire des centaines de génomes d'espèces eucaryotes abondantes dans le plancton. Cette ressource inclut notamment le plus gros génome caractérisé a ce jour pour le plancton (plus d'un milliard de nucléotides), ainsi que de nombreuses branches de l'arbre du vivant jusque-là inconnues.
Les chercheurs ont alors analysé la distribution des nouveaux génomes à la surface des océans. Certains ne sont détectés que dans l'océan Austral, d'autres dans l'océan Indien, et ainsi de suite, révélant une sorte d'Atlas à la précision des génomes reconstruits.
Ils ont ensuite identifié 10 millions de gènes dans ces génomes, et pu définir quatre groupes d'eucaryotes basés sur leur profil génétique. Etonnamment, cette approche a révélé des convergences fonctionnelles entre des lignés très éloignées dans l'évolution du vivant. En d'autres termes, il apparait grâce à la génomique environnementale à grande échelle que des eucaryotes qui ne partagent pas d'ancêtres communs récents, comme les algues vertes et les diatomées, contiennent pourtant de nombreuses fonctions génétiques similaires. L'évolution des eucaryotes unicellulaires marins s'avère ainsi complexe et non linéaire.
Ces données et résultats forment une avancée pionnière et une base de référence, mais ils ne couvrent qu'une petite partie du plancton. La décennie à venir verra certainement une révolution de notre compréhension des organismes eucaryotes environnementaux, portée par les approches génomiques qui permettent de s'affranchir de la culture de ces organismes.
Figure : Illustration de la ressource génomique du plancton eucaryote abondant à la surface des océans (arbre évolutif : Tom Delmont et Morgan Gaia; images de plancton : Noan Le Bescot).
Objectifs de développement durable : 3 (bonne santé et bien-être), 6 (eau propre & assainissement), 13 (lutte contre les changements climatiques), 14 (vie aquatique) lien ODD Cette étude apporte une connaissance de base de la génomique du plancton eucaryote abondant à la surface des océans, qui est un marqueur de la santé et qualité des eaux marines, un puissant régulateur du climat, et contribue donc au bien-être et à la bonne santé de l'humanité.
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