La désintégration radioactive double bêta est caractérisée par l'émission de deux électrons et de deux (anti)neutrinos (2νββ). Pourrait-elle se produire sans émission de neutrinos (0νββ) ? C'est ce que cherchent à savoir les physiciens de la collaboration CUPID (CUORE Upgrade with Particle Identification). Si l'existence de 0νββ était confirmée, elle trancherait le débat sur la nature du neutrino (qui se confondrait avec son antiparticule) et éclairerait l'origine de l'asymétrie entre matière et antimatière dans l'Univers.
En juin 2020, l'expérience CUPID-Mo, située au laboratoire souterrain de Modane, a démontré un excellent potentiel de détection de 0νββ avec 2,264 kg de molybdène 100 (100Mo), après une année de prise de données. Ce résultat valide le choix de la source radioactive (le molybdène 100) et du détecteur bolométrique qui la contient (des cristaux de Li2MoO4) : 100Mo s'échauffe très légèrement et émet de la lumière quand une désintégration nucléaire se produit. Ce concept de bolomètre scintillant permet à la fois de réduire drastiquement le bruit de fond radioactif et de bénéficier de l'efficacité et de la résolution en énergie exceptionnelles des bolomètres.
Cependant, l'extrême rareté du processus 0νββ (dont le taux, actuellement contraint par les précédentes expériences, est inférieur à quelques désintégrations par kilogramme de détecteur et par an) oblige la collaboration à porter la masse de 100Mo à 250 kg. Pour réussir ce changement d'échelle radical en conservant les performances de CUPID-Mo, une série de choix technologiques et méthodologiques doit être instruite.
En s'appuyant sur deux expériences, l'une au Laboratoire national du Gran Sasso (Italie) et l'autre au Laboratoire souterrain de Canfranc (Espagne), les chercheurs préconisent de remplacer les cristaux cylindriques de Li2MoO4 utilisés dans CUPID-Mo par des cubes afin de gagner en compacité. Selon leurs travaux, les cristaux cubiques conduisent à une résolution en énergie comprise entre 6 et 7 keV, proche de l'objectif fixé par la collaboration (5 keV).
Par ailleurs, les scientifiques anticipent un autre problème : le cristal exposé à une désintégration radioactive ne revient à son équilibre thermique qu'après plusieurs centaines de microsecondes. Deux signaux successifs peuvent alors être confondus en un signal unique (empilement) et fausser la détection. Afin d'étudier la contribution de ce processus au bruit de fond, ainsi que le pouvoir de discrimination de tels événements, les physiciens ont développé un dispositif permettant de simuler expérimentalement des excitations thermiques similaires à 2νββ et d'observer directement la réponse du détecteur. Une voie prometteuse pour améliorer rejet des « empilements » !
Dans les mois à venir, CUPID poursuivra ses efforts en testant de nouvelles stratégies concernant notamment l'assemblages des détecteurs et la configuration des « tours » de cristaux cubiques de Li2MoO4.