Les nanoparticules d'argent (Ag) sont utilisées comme biocides, activité due à la libération d’Ag sous forme ionique. Or, des études ont estimé que nous ingérons entre 1 et 80 μg d'Ag par jour. Nous en absorbons également par voie sanguine lors de l’utilisation de dispositifs médicaux tels que les cathéters ou certains pansements. Afin d’en mesurer l’impact sur notre santé, les chercheurs étudient le métabolisme des nanoparticules d’argent dans le foie. Cependant, les modèles cellulaires humains classiques ne permettent pas une étude exhaustive
in vitro des nanoparticules. Et les modèles animaux n'apportent pas suffisamment d'informations sur les mécanismes cellulaires et moléculaires.
Les chercheurs de l'Irig et du synchrotron ESRF à Grenoble, ont développé un modèle cellulaire 3D hépatique [1]. Ce modèle permet ainsi d'observer
in vitro des phénomènes se produisant
in vivo, mais que les modèles cellulaires 2D standards ne peuvent pas reproduire, comme l'excrétion des nanomatériaux transformés dans la bile. En combinant plusieurs techniques de caractérisation, telles que la nano-imagerie par fluorescence X, la spectroscopie d'absorption des rayons X, et la microscopie électronique, les chercheurs ont étudié le comportement des nanoparticules dans le foie [2]. Les hépatocytes, cellules majoritaires du foie, ont été exposées d’une part à des nanoparticules d’argent, et d’autre part à un sel d'argent, afin de simuler une injection ou une ingestion. Les images par rayons X et par microscopie électronique 3D ont révélé la diffusion d’argent dans différents compartiments intracellulaires (cytosol, noyaux, …) ; les images ont aussi montré l’accumulation d’argent dans les vacuoles (Figure A flèche blanche) et leur excrétion dans les canaux collectant la bile (Figure B flèche blanche). Des analyses de spéciation ont montré d’une part la formation d'espèces organiques argent-soufre AgS, déjà observées dans les cultures cellulaires 2D [3] et d’autre part la formation d'espèces inorganiques Ag2S qui n'avaient pas été observées auparavant.
Grâce à un pseudo-organe du foie utilisé comme modèle cellulaire, et par combinaison d’outils de caractérisations pour la nano-imagerie élémentaire et structurale et la spectroscopie atomique, cette étude révèle les mécanismes subcellulaires et moléculaires associés à la transformation des nanoparticules d’argent dans le foie. Ces résultats permettent de mieux appréhender les effets sur notre santé, et contribuent au développement de nouveaux nanomatériaux plus sûrs.
Figure : nano imagerie X de sphéroïdes d'hépatocytes exposés pendant 7 jours à des nanoparticules d'argent recouvertes de citrate (A) ou exposées à un sel d’argent. Credit CEA (B).