Les dispositifs médicaux implantés bénéficient de l’amélioration de l’autonomie des piles et batteries. Cependant, leur autonomie demeure insatisfaisante pour le confort du patient. Par exemple, la batterie d’un cœur artificiel doit être rechargée toutes les 24 heures ! Une solution idéale serait que le dispositif médical utilise la même source d’énergie que l’organe qu’il remplace, c’est-à-dire pour le coeur, le glucose et l’oxygène sanguin. Ainsi, la conversion de l’énergie chimique en électricité pour alimenter le dispositif médical peut être réalisée grâce à une pile à combustible qui n’a pas été conçue à l’origine pour être implantée dans un organisme vivant, puisque le glucose et l’oxygène ne sont pas les réactifs les plus adaptés à son fonctionnement. Il faut donc prendre en compte les deux verrous suivants :
i. Pour pouvoir être alimentées en glucose et en oxygène, les électrodes de la pile sont nécessairement au contact du corps ; elles doivent donc être totalement biocompatibles pour éviter toute réaction inflammatoire.
ii. Comme chaque électrode est en contact avec le milieu biologique dont les deux réactifs que sont le glucose et l'oxygène, il est nécessaire que les catalyseurs utilisés pour la conversion de l’énergie chimique en électricité soient très sélectifs.
Malgré leur manque de stabilité, seules les enzymes présentent à ce jour la sélectivité nécessaire pour la réalisation de piles à combustibles implantables.
Des chercheurs de l’Irig travaillant sur les dérivés du graphène, ont mis au point des catalyseurs chimiques sans platine, très sélectifs vis-à-vis de la réduction de l’oxygène. En collaboration avec plusieurs laboratoires académiques et une entreprise, l’efficacité des catalyseurs a été améliorée en conditions physiologiques. Ces catalyseurs à base de graphène se sont avérés biocompatibles et ouvrent la voie vers la preuve de concept sur l’animal. La fabrication des électrodes a été optimisée en vue de maîtriser leurs porosités pour une bonne diffusion des réactifs, notamment à l’aide de techniques d’impression 3D. Enfin de nouvelles membranes ont été mises au point pour éviter l’encrassement des électrodes par des cellules (biofouling), et ainsi éviter la perte des performances des piles à combustibles implantables.
Photographie de la pile à combustible après 5 mois d'implantation.
La flèche désigne un très faible niveau de bio-encrassement. Credit CEA
Ces nouvelles piles implantables ont d’abord été testées in vitro durant plus d’une année afin de démontrer qu’elles conservent bien leur performance électrochimique et leur biocompatibilité. Puis, elles ont été implantées dans des rats durant plus de 6 mois. Les piles sont restées opérationnelles et intactes durant toute cette longue période d’implantation. Autre résultat remarquable, elles n’ont pas provoqué de phénomène de rejet ni de réactions inflammatoires.
Ainsi, ces études ont permis de lever des verrous importants concernant le développement de piles à combustibles bioimplantables. Même si des défis importants existent encore, notamment concernant les catalyseurs d’oxydation du glucose, elles ouvrent la voie à la mise au point de dispositifs médicaux implantés plus efficients et surtout autonomes en énergie.
Courbe de polarisation de la pile à combustible, après explantation. En bleu, le courant, axe de gauche. En orange, la puissance, axe de droite.
collaboration
TIMC (Recherche Translationnelle et Innovation en Médecine et Complexité)
Université Grenoble Alpes-CNRS-INSERM, Grenoble) : laboratoire spécialisé dans les technologies implantables.
IC2MP (Institut de Chimie des Milieux et Matériaux de Poitiers) : développe des catalyseurs à bases de nanoparticules d’or, sélectifs de l’oxydation du glucose.
LGP2 (Laboratoire de Génie des Procédés Papetiers, Grenoble) : réalise les électrodes par des procédés d’impression ou de lithographie.
BIOPIC (Normandie) : l'entreprise commercialise des capteurs implantés pour le suivi en temps réel de la santé des animaux de ferme.