Le développement des nanostructures de semi-conducteurs nécessite une excellente maîtrise de leur élaboration, en particulier de la technique d’épitaxie par jet moléculaire (MBE). Pendant longtemps, cette technique a été limitée à la croissance de structures planes, comme les puits quantiques, qui induisent un confinement des porteurs de charge suivant la direction perpendiculaire au plan de croissance. Or, les nouveaux défis, comme la réalisation d'émetteurs à photon unique pour les communications quantiques, nécessitent un confinement selon deux ou même trois directions. Ceci peut être obtenu par la fabrication de nanofils et de boîtes quantiques.
En général, la croissance des nanofils est amorcée sur une gouttelette de liquide de quelques nanomètres, qui détermine le diamètre final du nanofil. Au cours de la croissance, des boîtes quantiques peuvent être insérées en changeant rapidement la composition du faisceau moléculaire. Ce mécanisme « Vapeur-Liquide-Solide » combine une phase vapeur dans le faisceau, une phase liquide dans la gouttelette et une phase solide dans le nanofil. A l’interface goutte-nanofil, la croissance était supposée avoir lieu par la nucléation d'une monocouche suivie de sa propagation le long de l’interface. Mais il s’agissait d’une simple hypothèse. L’équipement Nanomax, du Centre de Nanosciences et Nanotechnologie à Palaiseau, permet maintenant d’observer ce processus
in-situ dans un microscope électronique adapté.
Les chercheurs de l'Irig, et de l'Institut Néel (Laboratoire NanoPhysique et Semi-Conducteurs NPSC, Grenoble), étudient les semi-conducteurs II-VI, en combinant un métal (Zn ou Cd colonne II du tableau de Mendeleïev) et un chalcogène (Se ou Te colonne VI). Ces matériaux sont particulièrement intéressants comme éléments optiques actifs, pour l’émission de lumière ou pour le photovoltaïque. Les chercheurs obtiennent la croissance des nanofils II-VI à partir d’une nanoparticule d'or solide, et cristalline (Figure 1a). Cette croissance « Vapeur-Solide-Solide » est susceptible de produire des interfaces plus abruptes lors de l'insertion de la boîte quantique. L'observation de la croissance de nanofils de ZnTe avec le microscope Nanomax a révélé deux aspects originaux : le rôle de la différence de paramètre de maille à l'interface nanofil-nanoparticule, et une autorégulation de la dynamique des marches.
Les cristaux d'or et de ZnTe présentent le même réseau cristallin, mais la maille élémentaire du ZnTe est 3/2 fois plus grande que celle de l'or. Lorsque la monocouche d'or située à l'interface est progressivement remplacée par une monocouche de ZnTe, une forte contrainte de désaccord de maille apparaît au niveau de la marche, ce qui crée une barrière empêchant la formation de la marche.
En revanche, une autre configuration, constituée de 2 monocouches de ZnTe faisant face à 3 monocouches d'or, ne présente pratiquement aucun désaccord de maille, ce qui rend cette configuration plus favorable.
Cette étude à Nanomax aconfirmé ce mode de croissance pour les nanoparticules solides (Figure 1b et Movie 1). Lorsque la nanoparticule est liquide, alors des marches apparaissent à une ou deux monocouches (Movie 2).
Figure 1 : images de microscopie électronique
(a) nanofils de ZnTe obtenus par
épitaxie par jet moléculaire MBE ; (b) image Nanomax montrant une nanoparticule d'or au sommet d’un nanofil de ZnTe, avec une marche de deux monocouches à l'interface (indiquée par la flèche);
(c) idem, avec une marche d'une monocouche. Les schémas intermédiaires montrent les plans atomiques de l'or (en jaune) et les plans du ZnTe (en vert) pour ces deux configurations. Credit CEA