Les bactéries sont indispensables à l’homme. Elles participent par exemple, au sein du microbiote intestinal, à la digestion des aliments. En revanche, celles qui sont pathogènes doivent être maintenues à l’extérieur du corps humain, fonction assurée au premier chef par la peau. En cas d’infection par inhalation/ingestion ou par plaie, la prise d’un antibiotique a été pendant longtemps le remède absolu. Cependant, des bactéries ont progressivement muté et sont devenues résistantes aux antibiotiques. Les projections de l’OMS estiment que la résistance aux antibiotiques pourrait devenir l’une des premières causes de mortalité à l’horizon 2050, avec plusieurs millions d’infections non guérissables par an. Dans ce contexte, identifier une bactérie ou tester sa réaction et son état face à un stress externe, comme celui provoqué par un antibiotique donné, permettrait de mieux cibler l’usage des antibiotiques, et donc d’endiguer le phénomène d’antibiorésistance.
Un effet de force de la lumière, appelé pression de radiation, a été identifié pour la première fois par Arthur Ashkin au début des années 1970, en tentant de piéger des atomes avec des lasers. Une quinzaine d’années plus tard, Ashkin a proposé l’idée de « pincer optiquement » des micro-objets (sphères diélectriques de taille micrométrique) au point le plus étroit du faisceau d’un laser focalisé par un effet dit de force de gradient. La découverte de ce principe lui a valu l’attribution du prix Nobel de physique, en 2018.
Forts de leurs connaissances dans le domaine des cristaux photoniques, les chercheurs de l’Irig [
collaboration] ont imaginé utiliser la lumière pour capturer une bactérie sur puce de silicium. À cette fin, ils ont conçu une boîte à lumière « nanocavité optique » dans laquelle la lumière est localisée, rebondissant en quelque sorte entre ses murs. Ils ont alors observé qu’une fois piégée par la lumière de la nanocavité, la bactérie interagissait avec celle-ci en modulant la fréquence de résonance de la nanocavité. Les chercheurs ont ensuite piégé optiquement des bactéries soumises à un stress externe dû à leur immersion dans un bain de température croissante. À chaque piégeage, l’interaction des bactéries avec les nanocavités optiques a été mesurée afin de déterminer le seuil de non-viabilité des bactéries. Le grand avantage de cette méthode est que le temps de réponse est quasi-instantané.
Une expérimentation en cours consiste à confronter la bactérie à un antibiotique. L’analyse quasi instantanée rendue possible grâce au dispositif développé laisse envisager un gain de temps considérable par rapport aux analyses bactériologiques actuelles qui nécessitent d’attendre 1 à 2 jours que les bactéries prélevées se développent sur une boîte de culture pour pouvoir tester leur sensibilité à un agent antibactérien. La même démarche pourrait être appliquée pour tester l’interaction d’un bactériophage (virus destructeur de bactéries) avec une bactérie. L’utilisation plus large et aisée de ces phages permettrait de pallier aux antibiotiques qui ne feraient plus effet.
Représentation d’une bactérie piégée sur une nanocavité optique. Credit CEA
Collaboration avec le Laboratoire des Technologies de la Microélectronique (LTM, CNRS) et le Laboratoire système d’imagerie pour le vivant (LSIV) du Département des micro-technologies pour la biologie et la santé (DTBS) au Laboratoire d’électronique et de technologie de l’information du CEA-Grenoble (CEA-Leti).