Les nanoparticules de platine sont des catalyseurs largement utilisés dans de nombreux domaines importants tels que l'industrie chimique, la technologie des piles à combustible et la purification des gaz d'échappement des automobiles. À l'échelle nanométrique, les défauts cristallins influencent fortement les propriétés et les fonctionnalités des matériaux. C'est pourquoi, pour la conception de catalyseurs, il est primordial de prédire l'évolution structurelle de nanocristaux, pendant leur réaction catalytique. Cependant, jusqu'à présent, l'imagerie et la caractérisation de la structure des défauts à l'intérieur et en trois dimensions (3D) d'un nano-catalyseur est restée un défi.
Le pot catalytique des véhicules automobiles piège les particules polluantes de CO émises par le moteur thermique pour les relâcher sous forme de CO
2, un gaz moins toxique. À l’occasion d’une collaboration
[1], des chercheurs de l’Irig ont utilisé une technique novatrice pour observer à l'échelle nanométrique les défauts qui se forment dans les catalyseurs de platine qui sont utilisés dans les pots catalytiques.
En effet, grâce à l'
imagerie par diffraction cohérente des rayons X réalisée à l'ESRF de Grenoble, il a été possible de caractériser les déformations de nanoparticules de platine dans un réacteur de laboratoire qui reproduit le fonctionnement d'un pot catalytique. Ce faisceau est assez intense et focalisé pour permettre de mesurer une seule nanoparticule de platine. Ainsi, les images 3D permettent de révéler des défauts sous forme de
mâcle, et d'en mesurer précisément les déplacements en cours de réaction gazeuse, avec une haute résolution (quelques pm). Sur les images, il apparaît également un changement de morphologie (facettage) de la nanoparticule de platine au cours de la réaction (
Figure ci-dessous).
Figure. Les images 3D permettent de faire apparaître un changement de morphologie (facette) de la nanoparticule de platine au cours de la réaction. Credit CEA
Ces résultats ont été complétés par des calculs par simulation (
théorie de la fonctionnelle de la densité) qui montrent que la migration de la mâcle est corrélée avec le changement des énergies des surfaces exposées au CO. La formation de facettes et la migration du joint de mâcle expliquent la grande mobilité et la diffusivité des atomes de Pt pendant la réaction. L'imagerie par rayons X est de plus une technique de caractérisation
in situ, non invasive, bien adaptée à l'étude dynamique de la structure des matériaux nanométriques (déformation, morphologie, facettes, défauts) sous l'effet de paramètres externes (pression, température, gaz) et dans des environnements réactifs. Toutefois, en fonction du matériau étudié, il devient fastidieux d'analyser les centaines d'images 3D générées par cette technique. C'est pourquoi les chercheurs ont trouvé astucieux de combiner le traitement d'image avec un algorithme de type réseau de neurones
[2]. Grâce à cette approche, il a été possible de repérer de façon automatisée des défauts linéaires (dislocations) dans des nanoparticules. C'est la première fois que cette méthode originale est employée pour le bénéfice de la science des matériaux à grande échelle (big data) dans la reconnaissance de défauts à partir de données structurelles tridimensionnelles.
Ainsi, l'imagerie 3D par rayons X s'avère être parfaitement adaptée pour étudier les changements de la nanostructure des nano catalyseurs pendant les réactions physicochimiques. Elle offre donc de nouvelles perspectives pour observer le comportement des défauts dans les cristaux confinés, ce qui ouvre la voie à l'ingénierie visant à réduire les déformations ou les défauts des nanocatalyseurs.