Beaucoup de plantes et d'arbres fleurissent au printemps en raison des journées plus longues et des températures plus clémentes. Avec le changement climatique, les plantes fleurissent précocement, avec parfois plusieurs mois d'avance en raison de l'augmentation des températures. Cela se traduit souvent par des fruits plus petits et une production de graines plus faible. Or, la façon dont les plantes ressentent la température est une question qui se pose depuis longtemps. Comprendre ces phénomènes aiderait à adapter les plantes cultivées au changement climatique.
Dans une étude récente, une équipe internationale composée de chercheurs de notre institut a fait la lumière sur cette énigme. Les scientifiques ont porté leur attention sur une protéine appelée EARLY FLOWERING3 (ELF3), un élément clef de l'horloge circadienne connu comme étant nécessaire aux plantes pour répondre aux changements de température.
Dans la plante modèle
Arabidopsis thaliana (Arabette des dames ou Arabette de Thalius), ELF3 réagit directement à la température. Lorsque la température est fraîche, elle éteint l’expression des gènes qui provoquent la croissance et la floraison. Cependant, lorsque le temps se réchauffe, l'ELF3 ne désactive plus ses gènes cibles. Ceci a pour effet de « relâcher les freins » sur la croissance et la floraison, permettant ainsi l’élongation des cellules et la floraison.
Dans un article publié par la revue
Nature, les équipes montrent qu’ELF3 a une séquence qui présente de fortes homologies avec celles des protéines du prion. Si les prions ont d'abord été identifiés comme responsables de maladies comme la maladie de Huntington et l'encéphalopathie spongiforme bovine (maladie de la vache folle), il s'avère que les protéines ayant des séquences de ce type sont courantes et se retrouvent dans tout le règne vivant, des champignons aux plantes et aux animaux. Les prions sont des protéines qui se présentent sous deux états : une forme monomérique soluble et un état multimérique hautement condensé. Les chercheurs ont découvert que le domaine lié au prion de la protéine ELF3 agit comme un commutateur réversible de température. À des températures basses, l'ELF3 est monomérique et réprime l'expression des gènes. Lorsque la température augmente, le domaine prion de l'ELF3 provoque l’agrégation de multimères d’ELF3 et la formation de gouttelettes liquides, ce qui a pour conséquence d’inactiver la protéine.
La protéine ELF3 subit une transition de phase qui la fait passer d’un état liquide, à celui d'une gouttelette soluble, et enfin sous la forme d’un gel. Cela permet alors aux plantes d'Arabidopsis de détecter une température plus chaude et d'activer la floraison. Le simple remplacement d’une région d'ELF3 contenant la séquence du prion par la même région d'ELF3 provenant d'une autre espèce de plante qui ne code pas un prion suffit pour abolir la réaction aux températures plus chaudes. Dans ce cas, les plantes sont saines, se développent normalement mais ne fleurissent plus de manière précoce sous l’action de températures plus élevées.
Ces résultats suggèrent que les protéines avec un domaine prion telles que l'ELF3 pourraient jouer un rôle général en tant que capteurs environnementaux en raison de leur capacité à passer d’un état actif à un état inactif. Cette étude met en évidence un mécanisme important de thermo-détection et fournit une cible aux programmes de sélection végétale et d'adaptation à l'environnement.