Au cours des vingt dernières années, les pores fonctionnalisés ont émergé comme pouvant être utilisés en tant que biocapteurs offrant des sensibilités supérieures aux capteurs conventionnels. La biodétection au travers de pores a été utilisée pour détecter et analyser différents types de
cellules et de
(bio)molécules individuelles sans marquage et par une mesure rapide et peu coûteuse de courant. Historiquement, les premières études ont été menées sur des nanopores biologiques protéiques. Mais leur instabilité et leur sensibilité aux conditions expérimentales les ont conduits à être progressivement supplantés par des nanopores synthétiques plus robustes. L’utilisation de biomolécules pour fonctionnaliser ces nanopores synthétiques dans le but de les rendre biomimétiques demeure un défi d’envergure.
C’est dans ce contexte que des chercheurs de l’Irig se sont attaqués au challenge de la fonctionnalisation locale de pores synthétiques par des biomolécules. Pour ce faire, ils ont initialement imaginé utiliser une technique innovante inspirée de l'
électrochimie bipolaire (BPE). Cependant, la taille de l'objet conducteur (le nanopore) est l'une des principales limites physiques de ce procédé : plus l'objet est petit, plus le potentiel nécessaire à une polarisation suffisante est grand. Les objets micrométriques et nanométriques sont donc extrêmement difficiles à adresser par BPE en raison des potentiels très élevés qui seraient requis.
Les chercheurs de l’Irig ont alors développé un procédé appelé
électro-fonctionnalisation sans contact (CLEF), procédé aux applications prometteuses en bio-détection, en particulier pour l'analyse de cellules vivantes
[1]. Récemment
[2], ils ont adapté CLEF sur des micropores planaires montés en parallèle (
Figure), cette géométrie rendant les dispositifs plus facilement intégrables dans des lab-on-chip.
Schéma de l’adaptation de CLEF sur pore traversant (A) et sur pore planaire (B).
Ils sont alors parvenus à révéler les phénomènes électrochimiques par électrochimiluminescence (ECL) dans ces dispositifs (collaboration avec l'ISM, Bordeaux). Afin de générer des signaux ECL, la conception microfluidique combinée à la désoxydation du silicium (présent dans la paroi interne des micropores) leur a permis d’utiliser des tensions inférieures de deux ordres de grandeur par rapport aux installations standard de BPE. Il s'agit du premier micropore intégrant des caractéristiques ECL pour la détection de biomolécules.
La polyvalence de la BPE, associée à la technologie des micro et nanopores, devrait permettre d'appliquer le même concept à d'autres types d'objets conducteurs à l'échelle nanométrique. De plus, l'approche présentée ouvre la porte à de nouvelles expériences en dynamique avec des nano-objets traversant les pores où ils peuvent être adressés, modifiés ou détectés par voie électrochimique. Enfin, ces micropores ouvrent la voie au développement d'applications analytiques originales telles que la capture de biomolécules couplée à la détection ECL.
Ces
cellules sont par exemple des bactéries, des virus ou des cellules cancéreuses ; les
biomolécules, des acides nucléiques simples et doubles brins, des peptides, des protéines
La
BPE est une méthode puissante basée sur la polarisation à distance d’un objet conducteur qui induit une électro-activité asymétrique à ses deux extrémités.
CLEF (ContactLess Electro-Functionalization) permet la fonctionnalisation sélective de la paroi interne de micro- et nanopores fabriqués dans une membrane de silicium recouverte de SiO2. Sous l'effet de l'application d'un champ électrique ou d'un courant, le pore se polarise et des greffages électrochimiques peuvent se produire exclusivement sur les parois internes du pore.