Le principe de la datation
Le carbone 14 est un isotope radioactif du carbone. Sa période radioactive, temps au bout duquel la moitié de ces atomes s’est désintégrée en azote 14, est de 5 730 ans. Se formant dans la haute atmosphère de la Terre, il existe 1 atome de carbone 14 pour 1 000 milliards de carbone 12 (isotope non radioactif). Comme tout isotope du carbone, le carbone 14 se combine avec l’oxygène de notre atmosphère pour former alors du CO2 (dioxyde de carbone).
Ce CO2 est assimilé par les organismes vivants tout au long de leur vie : respiration, alimentation… En mourant, ils n’en assimilent plus. La quantité de carbone 14 assimilé diminue alors au cours du temps de façon exponentielle tandis que celle de carbone 12 reste constante.
La datation repose sur la comparaison du rapport entre les quantités de carbone 12 et de carbone 14 contenues dans un échantillon avec celui d’un échantillon standard de référence. On déduit de cette comparaison « l’âge carbone 14 » de l’échantillon qu’on cherche à dater. Cet « âge carbone 14 » est ensuite traduit en âge réel (ou « âge calendaire »), en le comparant à une courbe-étalon, réalisée par les chercheurs à force de nombreuses mesures complémentaires. On peut ainsi en déduire l'âge de l’objet étudié et remonter jusqu'à 50 000 ans environ (au-delà, la technique n’est pas assez précise).
Méthodologie
- Les chercheurs
prélèvent un échantillon d’un objet (quelques grammes ou microgrammes) qu’ils veulent dater, et le préparent à travers une succession de réactions physico-chimiques.
On ne conserve que le carbone contenu dans l’échantillon. - Les chercheurs
déterminent la quantité de carbone 14 par des mesures de
radioactivité ou par
spectrométrie de masse, et peuvent ainsi calculer « l’âge carbone 14 » de l’objet.
- Il leur faut ensuite
comparer cet « âge carbone 14 » à une courbe d’étalonnage pour relier cet âge relatif à un âge réel, et ainsi savoir depuis combien de temps l’objet existe.
Le carbone 14, de sa formation à sa désintégration
Les atomes d'azote (14N) qui composent la haute atmosphère interceptent une partie du rayonnement cosmique : des neutrons percutent les atomes et les transforment en atomes de carbone 14. En s'oxydant dans l'atmosphère, le carbone 14 forme du CO2. Les plantes incorporent le carbone 14 via le CO2, et le transmettent à tout organisme vivant – étant la base de toute chaîne alimentaire. Dès qu'un organisme meurt, il n'incorpore plus de carbone 14. Celui-ci n'est plus renouvelé, et va se désintégrer progressivement : le « décompte » de sa radioactivité se met alors en route.
Enjeux : comprendre par la datation les grands mécanismes en Sciences de la Vie et de la Terre
Utilisés comme chronomètres ou comme traceurs d’échange entre différents réservoirs de carbone, les « âges carbone 14 » sont utilisés dans une variété de domaines de recherche :
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En histoire et archéologie : c’est un outil précieux et largement utilisé pour dater des échantillons organiques et construire une chronologie (en égyptologie par exemple).
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En sismologie et volcanologie : les chercheurs déterminent ainsi la fréquence d’événements sismiques ou volcaniques et peuvent mieux évaluer les risques potentiels futurs.
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En climatologie : le carbone 14 permet de suivre l’évolution du cycle du carbone, intimement lié aux variations climatiques et environnementales. Cette technique de datation permet, en étudiant des prélèvements de sédiments, de
dresser une chronologie précise de l'enchaînement des événements climatiques passés.
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En océanographie et agronomie : le carbone 14 sert de
traceur environnemental. En datant certains fossiles océaniques ou les différents composés de la matière organique dans les sols, les scientifiques peuvent ainsi
retracer la dynamique de la circulation océanique dans le passé,
déterminer les temps de résidence du carbone dans les sols et ainsi aboutir à une meilleure compréhension du cycle du carbone.
- Enfin,
l'analyse du carbone 14 dans les écosystèmes permet l'étude de la radioactivité présente dans l’environnement.
Recherche et Développement : affiner les estimations d’« âge carbone »
Les chercheurs tentent d’améliorer les techniques de datation du carbone 14, et de les compléter avec d’autres approches (datation uranium-thorium, potassium-argon).
Historiquement les premières datations d’échantillons ont été faites avec des compteurs proportionnels à gaz (on mesure la radioactivité émise par le carbone 14, transformé auparavant en gaz carbonique).
Cette méthode a laissé la place à
deux techniques complémentaires :
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le détecteur à scintillation :
ce détecteur mesure la radioactivité d’un échantillon en carbone 14 par la mesure de la lumière émise à chaque désintégration d’un atome de carbone 14. Cette méthode est donc une mesure directe de la radioactivité. Son défaut est la nécessité d’utiliser de grandes quantités de matière (plusieurs grammes) pour obtenir des mesures avec une précision suffisante, ce qui est très contraignant dans le cas où l’objet étudié est très fragile, petit ou précieux.
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le spectromètre de masse par accélérateur (SMA) :
cette technique a été développée pour la datation d’échantillons de petite quantité et/ou d’âge allant jusqu’à 50 000 ans.
Elle compte directement le nombre d’atomes de carbone 14 présents dans un échantillon, permettant ainsi de consommer moins de matière (quelques microgrammes) que la technique précédente, et permettant de dater des objets plus anciens.
Ces techniques reposent toutes les deux sur une préparation minutieuse de la matière
à dater :
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Préparation pour éliminer tout matériau contaminant par traitement mécanique et chimique,
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Combustion ou hydrolyse des carbonates de la matière obtenue pour transformer le carbone en gaz carbonique,
- Dans le cas du SMA :
réduction du gaz carbonique pour obtenir du graphite qui est l’élément introduit dans le spectromètre.
Datation par spectromètre de masse par accélérateur © L. Godart/CEA
Pourquoi la datation au carbone 14 est une mesure dite « relative » ?
La quantité de carbone 14 formé dans la haute atmosphère, bien qu’assez constante, peut connaître des variations. De même, cet élément ne se répartit pas uniformément sur Terre :
la quantité assimilée par les organismes varie donc en fonction du contexte dans lequel vivait l’organisme (quantité formée en haute atmosphère, conditions environnementales, métabolisme, etc.).
Comme ces mécanismes sont variables, les « âges carbone 14 » sont relatifs :
ils dépendent pour une part de l’âge de l’objet d’étude, mais également des conditions environnementales qui existaient alors. Pour pallier cela, les chercheurs ont établi une échelle de calibration des « âges carbone 14 » avec différentes mesures d’objets dont on connaît la date (datation absolue), pour les comparer avec les « âges carbone 14 » qu’ils obtiennent (datation relative).
Les isotopes du carbone
Le carbone possède 16 isotopes en tout. Le carbone 12 et le carbone 13 sont les plus abondants.
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Carbone 12 -
Abondance : ~ 98,99 % -
Neutrons : 6 -
Protons : 6 -
Signe distinctif : le plus abondant
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Carbone 13 -
Abondance : ~ 1,11 % -
Neutrons : 7 -
Protons : 6 -
Signe distinctif : isotope stable (ne se désintègre pas)
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Carbone 14 -
Abondance : <0,01% -
Neutrons : 8 -
Protons : 6 -
Signe distinctif : isotope radioactif.
Notions clés
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Carbone 14 (14C) = isotope radioactif du carbone, dont la période radioactive est de
5 730 ans (temps au bout duquel la moitié de ces atomes s’est désintégrée en azote 14).
- Le carbone 14 est ainsi utilisé pour
dater des objets vieux de nos jours à 50 000 ans.
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La datation au carbone 14 est utilisée à la fois pour connaître l’âge d’un objet ou d’un événement, mais aussi pour suivre des processus : le carbone 14 sert donc de "chronomètre" et de "traceur".
- Cette technique est utilisée dans de
nombreux domaines : l’archéologie, la climatologie, la vulcanologie, la sismologie, l’océanographie…