L'épigénétique, qu'est-ce que c'est ?
L’épigénétique met en musique la lecture ou pas des gènes portés par notre ADN. Il s’agit d’une machinerie complexe, faisant appel à de nombreux mécanismes, comme par exemple la fixation d’« étiquettes biochimiques » un peu partout sur notre ADN, qui va rendre les gènes accessibles au processus de lecture, ou au contraire en bloquer le mécanisme.
La plupart de ces marques sont durables : il faut bien qu’une cellule de peau n’oublie pas d’être une cellule de peau. D’autres sont transitoires, comme celles qui régulent les gènes liés aux rythmes du jour et de la nuit. Cette belle mécanique peut aussi se dérégler. On soupçonne ces dérèglements d’être impliqués dans des pathologies très variées : maladies inflammatoires,
neurodégénératives, troubles psychiques, etc., voire dans certains cancers non liés à des mutations sur les gènes.
Petit précis de génétique
Notre ADN porte environ 25 000 gènes, qui sont les « cahiers d’instruction » de la fabrication de toutes nos protéines. C’est une longue et double chaîne constituée de 4 bases (cytosine, guanine, thymine et adénine) qui vient s’enrouler autour de grosses protéines appelées histones. Le tout forme une pelote plus ou moins compacte : la chromatine. Pour qu’un gène soit « lu », il faut que la pelote soit suffisamment déroulée pour le rendre accessible à la machinerie de lecture. Le gène peut alors être copié sous forme d’un brin d’ARN messager. Sa lecture permettra de fabriquer la protéine.
Une machine sous influence... et qui influence
Bien que le consensus ne soit pas clairement établi au sein de la communauté scientifique,
il semble que notre environnement, au sens large, ait une influence sur ces phénomènes épigénétiques. De nombreux facteurs (tabac, stress, alimentation, médicaments, exposition à des bactéries, virus, pesticide, polluants…) ont une action sur nos mécanismes épigénétiques, de manière plus ou moins marquée et durable. C’est le cas notamment du vieillissement : certaines marques épigénétiques, comme les méthylations de l'ADN qui régulent l'expression des gènes, diminuent progressivement dans le temps. Ou encore du tabac : les anciens fumeurs, par exemple, gardent des marques épigénétiques nocives pendant une vingtaine d’années.
Cette influence pourrait bien être réversible. L’élimination d’un grand nombre de facteurs environnementaux négatifs, comme le tabac ou une alimentation totalement déséquilibrée, pourrait par exemple conduire à un épigénome dans un meilleur état. La transmission de l’épigénome est aussi étudiée par les chercheurs.
Il semblerait en effet que des marques épigénétiques puissent se transmettre,
notamment pendant la grossesse, au moment du développement de l’embryon. Elles pourraient aussi perdurer de génération en génération, un phénomène observé chez les plantes. La recherche sur les questions épigénétiques n’en est cependant qu’à ses débuts, et
le débat sur la transmission de ces modifications épigénétiques acquises chez l’homme reste largement ouvert.
Un exemple :
l'épigénétique dans la ruche
Chez les abeilles, les ouvrières sont petites et stériles, tandis que l’unique reine est dodue, très féconde et vit plus longtemps. Tout vient de l’alimentation des larves : gelée royale pour la future reine, miel et pollen pour les autres. Ces deux régimes distincts induisent des modifications épigénétiques majeures qui font la différence !
L'épigénétique, comment ça marche ?
Les processus épigénétiques permettent à un même ADN d’être utilisé différemment d’une cellule à une autre. Ils ne modifient pas les gènes, mais sont capables de les rendre silencieux, ou au contraire disponibles, c’est-à-dire accessibles à la machinerie permettant leur lecture. Ceci grâce à toute une série de stratagèmes, parmi lesquels l’ajout de petits groupes chimiques.
Zoom sur les processus épigénétiques
Le saviez-vous ?
La modification des histones, tout comme la production et l’action des microARN, sont des phénomènes très dynamiques et transitoires, intervenant rapidement après un événement (ingestion d’un aliment, stress, etc.). La méthylation de l’ADN est en revanche bien plus lente. Durable, elle vient figer un état. Elle est en général transmise lors des divisions cellulaires. Selon les cas, elle peut être réversible, ou héréditaire.
Dans chaque type de cellule, de peau par exemple, l’information génétique nécessaire à son fonctionnement est toujours accessible, dans des zones où la chromatine est peu condensée. Les autres gènes, inutiles, sont enfouis dans la partie compactée de la chromatine.
Sans méthionine, pas de méthylation ! Cet acide aminé présent dans toutes les protéines vient de notre alimentation. Les groupements méthyle qu’il porte vont être transférés à une multitude de molécules cibles de notre organisme, incluant notre ADN et nos histones, via des cycles biochimiques complexes. C’est un processus vital, qui se produit en nous jusqu’à un milliard de fois par seconde.