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IDEES & DEBATS - REGARDS CROISES

Révolutionner la mobilité avec le projet Gen Z


​Mike Horn, aventurier de l'extrême, et Cyril Despres, quintuple vainqueur du Dakar à moto, se sont fixés un nouveau défi à leur mesure : révolutionner le sport automobile et, au-delà, la mobilité. En 2023, ils participeront à la course des voitures à bord d'un véhicule électrique hydrogène. Objectif : gagner le rallye raid afin de promouvoir cette technologie. L'ambitieux projet, Gen Z, est confié à Vaison Sport et au CEA. Mike Horn et Johann Lejosne, ingénieur responsable du partenariat Gen Z au CEA-Liten, nous en disent plus sur la genèse, les enjeux techniques et l'organisation de ce projet. 

Publié le 17 septembre 2021

​Pourriez-vous nous raconter la genèse du projet Gen Z ? 

Mike Horn : Décembre 2019, je suis en plein milieu du Pôle Nord. Sur mon téléphone satellitaire, je reçois l’appel de Cyril Despres. Il sera présent à l’édition de janvier 2020 à bord d’une voiture et il me veut à ses côtés. Dès la fin de mon expédition, je me rends en Arabie Saoudite. J’ai beaucoup été critiqué pour ma participation à ce rallye raid qui est en effet très polluant. En trente ans seulement, au fur et à mesure de mes expéditions, j’ai vu la Terre changer. J’ai deux filles, et je veux leur laisser la planète dans un meilleur état que celui dans lequel je l’ai reçue. Je suis allé au Dakar 2020, avec cette conscience et détermination, pour voir comment changer les choses. Avec Cyril, nous avons eu la même idée : revenir avec un véhicule propre et gagner pour montrer que l’on peut se passer des énergies fossiles. Nous en avons parlé à notre partenaire Vaison Sport. Ainsi commence l’aventure Gen Z.

Quand et comment le CEA a-t-il été intégré au projet ?

Johann Lejosne : Septembre 2020, je reçois un appel de Cyril Despres. Il cherche un partenaire pour développer la chaîne énergétique d’un véhicule bas carbone pouvant concourir au Dakar. Lui, Mike Horn et Matthieu Parent de Vaison Sport savent précisément ce qu’ils veulent. Ils ont déjà vu différents industriels et souhaitent rencontrer le CEA… dès la semaine suivante ! Dès que Mike Horn arrive, je comprends l’enjeu. Sa poignée de main est très persuasive, tant ce projet est important pour lui. Nous visitons les installations et rencontrons les équipes. Avant même de commencer notre réunion, il annonce que le véhicule doit être prêt pour janvier 2022 ! Malgré toute la bonne volonté du monde et son énergie, il est inconcevable de réaliser un tel véhicule en un an et demi.

Mike Horn  : Je savais bien que l’échéance 2022 était irréaliste. Je l’ai dit pour qu’on comprenne bien l’urgence ! Avec Cyril, nous voulons être les premiers à gagner le Dakar avec un véhicule bas carbone.

Johann Lejosne : Je confirme que, dès la première rencontre, Mike nous a vraiment mis la pression ! Pour ce type de projet, en temps normal, il faut compter trois à quatre ans.

Mike Horn : Justement, si on raisonne en « normal », le produit ne sera que normal. Il faut donner un peu plus que les autres, repousser ses limites. Quand tu pars pour traverser le Pôle Nord, ce qui n’a jamais été fait, tout le monde te dit que c’est risqué. Or, c’est risqué de ne pas y aller alors que tu sais que tu peux le faire. C’est avec cette attitude que j’ai appréhendé toutes mes expéditions. Au CEA, j’ai trouvé les meilleurs ingénieurs. L’organisme est structuré, organisé et sécurisé. Mais je suis là pour dire qu’il faut prendre des risques pour développer un produit qui ait une longueur d’avance. Vu les délais, le CEA voyait cela comme un risque d’engagement. Non : c’est si tu ne t’engages pas que tu prends un risque, y compris pour la planète. 

Johann Lejosne : Alors nous nous sommes engagés pour que le véhicule soit prêt en 2023 ! Techniquement, c’est faisable, mais nous n’avons aucune marge de manœuvre sur le planning.


Comment le projet est-il mis en oeuvre avec le CEA ? 

Mike Horn : Le projet est très ambitieux. Je rappelle que le Dakar se court en douze étapes de 700 km environ chacune. Il n’y a pas une course au monde qui soit plus exigeante : vous roulez à fond sur des dunes, aucune piste, sans informations car il n’y a pas de GPS ; vous découvrez au fur et à mesure où vous avancez, c’est pour cela qu’il y a des accident graves chaque année, parfois mortels. C’est vraiment une aventure extrême. Avant de rencontrer le CEA, nous avions déjà exclu l’option d’un véhicule 100 % batteries. Comment imaginer un Dakar où l’on s’arrête tous les 80 km pour recharger ? Il ne s’agit pas de dénaturer l’esprit de la course.

Johann Lejosne : Nous proposons une chaîne énergétique hybride hydrogène/batteries. La pile à combustible de type PEMFC assure l’autonomie du véhicule que nous poussons à 250 km/h, car les organisateurs du Dakar autorisent depuis quelques années des ravitaillements tous les 250 km. Quant à la batterie, elle vient apporter un complément de puissance quand cela est nécessaire. Si cela paraît simple en laboratoire, cette chaîne énergétique PEMFC-batteries-moteur-interface-réservoir doit assurer des pics de vitesse de 180 km/h tout en supportant les conditions extrêmes du Dakar : températures dépassant les 45°C ; poussières de sable qui bouchent les filtres à air de la PEMFC ; chocs et vibrations contraignant fortement l’ensemble du système. Les performances et la fiabilité doivent être à la hauteur du challenge sportif. En revanche, nous ne faisons aucun compromis avec la sécurité de l’équipage. 

Pour cela, nous avons monté une équipe de choc. Les meilleurs experts du CEA ont été recrutés, même si engagés dans d’autres projets. Nous sommes une vingtaine avec des responsabilités sur différents lots : véhicule, PEMFC, hybridation, qualité, sécurité, achats, etc. Il a fallu également convaincre en interne car, si le contrat n’a été officiellement signé qu’en juin 2021, nous n’avions d’autres choix que de démarrer le projet dès la première rencontre ! L’équipe est soudée et très mobilisée pour défier sur le terrain les développements. Comme dit Mike Horn, les choses faciles ne sont pas intéressantes à faire !

Mike Horn : Il s’agit avant tout d’une aventure humaine. C’est important que tous ceux qui sont impliqués dans le projet puissent le partager ensemble et avec les autres. Je filme tout depuis le début, les échecs et les réussites, les sentiments de l’équipe. Quand on part dans une direction, il faut le montrer. La communication est très importante alors je réaliserai un documentaire de cette aventure. Il est important que le CEA puisse partager ses connaissances et son savoir-faire technologique et aussi que l’on montre ce qu’il se passe à bord de la voiture. On a tous besoin les uns des autres.

Quelle est la feuille de route du projet Gen Z ?

Johann Lejosne : Dès septembre 2020, nous avons développé un système de monitoring pour acquérir un maximum d’informations de terrain que Mike et Cyril ont embarqué sur leur véhicule lors du Dakar 2021. Nous avons ensuite analysé ces données pour déterminer les profils type du véhicule en roulage.

Mike Horn  : Et on est même arrivés dans les dix premiers avec ce laboratoire roulant !

Johann Lejosne : Ensuite, nous travaillons sur chaque lot (le stack PEM, le stockage de l’hydrogène, l’architecture hybride, le choix des moteurs, etc.) tandis que Vaison Sport avance sur le véhicule. L’objectif est d’avoir un prototype d’ici l’été 2022 et de le faire rouler pendant deux mois sur les pistes de Vaison Sport. Puis, on réalisera le second prototype, et les deux véhicules partiront au Dakar 2023 !

Mike Horn : Et nous gagnerons, même si nous arrivons dans les 10 premiers. L’enjeu est de montrer que l’hydrogène est tout aussi performant que le thermique. D’ailleurs, les organisateurs du rallye sont conscients que s’ils n’opèrent pas ce changement, leur course disparaitra. Mais le Dakar n’est qu’un premier pas, car c’est de toute la mobilité dont il s’agit. Nous voulons que les énergies fossiles n’aient plus de sens. Nous pourrons alors transmettre aux jeunes générations une planète où il y a de l’espoir et de nouveaux challenges !

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