Combien d’entre eux vont être absorbés ? Cela dépend
du seuil d’absorption du matériau choisi : si ce seuil est faible, un grand nombre de photons va être absorbé et le courant électrique généré sera important mais la tension sera faible, ce qui donnera une faible puissance électrique (car la puissance est égale au produit de l'intensité par la tension). Au contraire, un seuil élevé n’absorbe que les photons avec une énergie suffisamment élevée : la tension sera forte mais pas le courant, ni la puissance donc.
L’idée est donc d'identifier, pour un spectre lumineux donnée, le seuil qui permet d’obtenir la puissance maximum. C’est un compromis à trouver, qui se trouve entre ces deux extrêmes, et qui porte le nom d’optimum de Shockley-Queisser.
En quoi consiste ce compromis et en quoi est-il déterminant pour l’installation de panneaux PV sur Arrakis ?
Ce compromis repose sur le spectre de la lumière reçue (qui dépend pour sa part de la température de l’étoile). Ainsi, sur Terre, le seuil optimum se situe dans l’infrarouge, autour de la longueur d’onde de 1 100 nm, ce qui donne un rendement maximum de l’ordre de 30 %. Or le matériau semi-conducteur dont le seuil est le plus proche de cette valeur est le silicium – très abondant sur Terre (en particulier sous la forme de silice qui se retrouve dans le sable). Du sable dont dispose aussi en masse Arrakis… Sauf que le spectre de Canopus est décalé vers le bleu par rapport à celui du Soleil et contient moins de particules de basse énergie que le Soleil. Le rendement est plus élevé (environ 33%) mais le seuil optimum se situe lui autour de 850 nm (entre le visible et l’infrarouge). Et le silicium n’est dans ce cas plus le matériau le plus adapté : le gallium ou l’indium pourraient être plus appropriés. Or ils sont loin d’être aussi abondants que le silicium, puisqu’ils ne se retrouvent pas dans le sable. Les deux sont en effet présents en très petites quantités dans le milieu naturel – en particulier l’indium.
Et la lumière n’est pas le seul paramètre à prendre en compte, la température joue également un rôle, tout comme la météo parfois tempétueuse de la planète ?
C’est exact. Sur Arrakis, il fait chaud, puisque les températures sont de l’ordre de 60°C. Or la chaleur diminue l’efficacité des panneaux, d’environ 0,5% par degré. C’est un peu contre-intuitif mais une région très ensoleillée mais très chaude ne sera pas forcément plus productrice d’électricité solaire qu’une région un peu moins ensoleillée mais plus froide.
Enfin, en effet,
les tempêtes Coriolis dévastatrices qui frappent la planète endommageraient gravement les panneaux solaires - il faudrait mobiliser une bonne partie de l’énergie produite par le panneau rien que pour le nettoyer. Toutes ces problématiques, couplées à d’autres problématiques telles que
le
stockage de l’électricité ainsi produite (pour pouvoir s’en servir lorsque la nuit tombe), sont donc autant d’hypothèses pouvant expliquer l’absence de panneaux PV sur Arrakis.
Arrakis est une planète à l’environnement désertique particulièrement hostile : températures extrêmement élevées, soleil de plomb, tempêtes de sable dévastatrices… sans oublier les terribles vers des sables. © CEA/Getty
Les autres sources d’énergie sont rares et précieuses sur la planète. Pour tirer profit au maximum de chaque litre d’eau disponible, notamment, les habitants d’Arrakis, les Fremen, ont mis au point des combinaisons, les distilles, permettant de recycler près de 95 % de l’eau issue des fluides corporels.
Enfin, il y a la précieuse Epice, qui ne se récolte qu’à la surface d’Arrakis, et qui est indispensable aux navigateurs lors de leurs voyages interstellaires – non pas pour faire avancer leurs vaisseaux, mais plutôt pour leur donner les capacités nécessaires à tout déplacement intergalactique.
Dans votre livre, d’autres aspects de l’œuvre sont évoqués. Pouvez-vous en dire quelques mots ?
Dans le livre que j’ai dirigé, l’idée était de parler de l’œuvre de Frank Herbert et de la planète Arrakis de façon aussi riche que possible. De nombreuses disciplines ont donc été convoquées, la physique bien sûr, mais aussi la chimie (pour parler de l’Epice), la biologie (afin de comprendre le cycle de vie des vers des sables), mais aussi la philosophie, la linguistique, la politique, la sociologie ou la littérature. C’était bien le moins pour discuter d’une œuvre que l’auteur de science-fiction Laurent Genefort a classé dans la catégorie des « livres-univers ».