La biocatalyse est une biologie de synthèse chimique durable où le catalyseur chiral peut être une enzyme extraite d’un organisme vivant ou une enzyme synthétique. Par exemple, des métalloenzymes artificielles sont mises au point en introduisant un complexe inorganique bio-inspiré dans une protéine, au niveau d’une cavité. Le complexe inorganique constitue le centre réactif et la protéine assure la stabilité et la sélectivité. L'objectif est de mettre au point des catalyseurs hybrides efficaces pour des réactions d'oxydation en privilégiant le transfert asymétrique de l'oxygène.
Des chercheurs de l’Irig, en collaboration avec le Département de Chimie Moléculaire (Unité Mixte de Recherche CNRS-Université Grenoble Alpes), étudient des hybrides formés à partir de divers complexes métalliques (Co, Fe, Mn, Ru) et de la protéine NikA, qui transporte le nickel chez la bactérie
E. coli. Ces hybrides catalysent des réactions d’oxydation d’alcènes (CnH2n) ou de thioéthers (R-S-R’). Toutefois, ces réactions sont faiblement stéréosélectives entre les formes R et S des
éniantomères. Alors, dans le but d’améliorer l’énantiosélectivité de la réaction de sulfoxydation, les chercheurs ont remplacé la protéine NikA par un oligonucléotide de type G-quadruplexe. Grâce à un polymorphisme de repliement important, ces G-quadruplexes, associés à un complexe de cuivre, constituent des entités catalytiques polyvalentes à base d’ADN pour des réactions d’oxydation asymétriques sélectives.
L’énantiosélectivité de la catalyse dépend de la topologie adoptée par le G-quadruplexe, et donc des conditions de réaction. Les chercheurs ont montré qu’il est possible de contraindre un G-quadruplexe dans une topologie unique en le fixant sur un polypeptide conduisant à l’oxydation de dérivés du thioanisole avec un excès énantiomérique allant jusqu’à 73 % en présence d’eau oxygénée comme oxydant. Des études comparatives entre le G-quadruplexe naturel et des G-quadruplexes contraints ayant subi des modifications au niveau de la tétrade externe 3’, par ajout d’une à six thymidines, ont permis d’identifier les différents sites réactionnels au sein de l’enzyme artificielle et de proposer un mécanisme réactionnel.
Figure : comparaison de l’énantiosélectivité d’une réaction de sulfoxydation asymétrique en fonction de la nature du catalyseur G-quadruplexe. Credit CEA
Les résultats obtenus ont permis d’expliquer le contrôle énantiosélectif de la réaction de
sulfoxydation en présence d’un catalyseur de type métalloenzyme artificielle où la partie enzyme a été remplacée par un G-quadruplexe. Il a été mis en évidence l’importance du rôle de l’ajout de nucléosides au niveau de l’extrémité 3’.
Recherches soutenues par le projet ANR CoolCat.
La
sulfoxydation est un procédé chimique qui consiste à ajouter un atome d’oxygène sur un atome de soufre (transformation d’un thioéther en sulfoxyde) créant un centre asymétrique sur la molécule.
Deux
énantiomères R et S d’un même catalyseur ont des propriétés physicochimiques semblables mais se comportent différemment vis à vis d’un agent chiral. Cette chiralité est essentielle dans les processus moléculaires, par exemple dans le fonctionnement des enzymes ou l’action des médicaments. Il est donc important de savoir synthétiser préférentiellement un seul énantiomère d’une molécule asymétrique.