Seulement quatre minutes ! C’est le temps qu’il a fallu pour acquérir certaines des plus belles images anatomiques de cerveau sur les volontaires qui ont participé au premier protocole mené sur l’IRM Iseult installé au CEA. Cet appareil, qui utilise
l’imagerie par résonnance magnétique, est
le plus puissant au monde avec son champ magnétique de 11,7 teslas. La résolution des images impressionne déjà pour un temps d’acquisition si court : 0,2 mm dans le plan et 1 mm en profondeur, ce qui représente un volume équivalent à quelques milliers de neurones seulement. A titre de comparaison, pour un même résultat d’image, il faudrait théoriquement plusieurs heures sur un IRM implanté à l’hôpital (1,5 ou 3 teslas), irréaliste pour le confort du patient et parce que ses mouvements « brouilleraient » l’image.
Coupes axiales de cerveau humain, à temps d’acquisition identique mais avec une intensité différente du champ magnétique. A 3 T, aimant d’IRM couramment utilisé dans les centres hospitaliers, et à 7 T, (seules 3 machines en France et une centaine dans le monde), la précision et la netteté sont moindres. A 3T, un nuage « granuleux » empêche de délimiter clairement les structures anatomiques du cerveau. A 7T, lorsque l’on zoome, le niveau de détail à cette résolution est amoindri.
A 11,7 teslas, l’IRM Iseult, le seul actuellement en fonctionnement au monde à cette intensité, fournit un réservoir de signaux et de contrastes entre les tissus biologiques qui permet une exploration plus fine du cerveau humain.
© CEA
En atteignant des résolutions aussi fines, il sera possible d’accéder à des informations sur les neurones jusque-ici inatteignables, et de comprendre comment notre cerveau encode nos représentations mentales, nos apprentissages ou encore de découvrir quelles sont les signatures neuronales de l’état de conscience.
Coupe sagittale du cerveau (traversant le cerveau d’avant en arrière). Cette coupe permet de voir de façon très fine et détaillée le cervelet avec ses nombreuses ramifications.
Le cervelet est impliqué dans le contrôle de la fonction motrice et pourrait avoir un rôle dans le contrôle cognitif et émotionnel. Des anomalies de structure pourraient être associées à des troubles psychiatriques telles que la schizophrénie, les troubles bipolaires, …
Son étude avec l’IRM à 11,7 Teslas devrait permettre d’apporter un regard nouveau sur cette région et son rôle dans ces maladies.
© CEA
Comprendre Alzheimer, Parkinson, les troubles psychiatriques
Les détails qui seront obtenus avec l’IRM Iseult auront des applications en recherche médicale.
D’une part les informations anatomiques ultra-fines participeront à établir
un meilleur diagnostic et une meilleure prise en charge de maladies neurodégénératives telles que les
maladies d’Alzheimer ou de Parkinson.
D’autre part, l’IRM Iseult va faciliter la détection de signaux faibles, peu exploités à bas champ tel que :
- celui du lithium, médicament utilisé pour traiter
les troubles bipolaires ; il sera ainsi possible d’évaluer précisément sa distribution dans le cerveau et de mieux comprendre son efficacité.
- ceux de petites molécules activement impliquées dans le métabolisme cérébral, comme le glucose et le glutamate ; ce type d’informations contribuera directement à la caractérisation de nombreuses pathologies cérébrales (gliome, neurodégénérescence…)
Avec Iseult, c’est un monde inconnu qui s’ouvre devant nous et nous avons hâte de l’explorer. Plusieurs années de recherche vont être encore nécessaires pour développer et améliorer nos méthodes d’acquisition et garantir des données de la meilleure qualité possible. C’est à l’horizon 2026-2030 qu’on cherchera à explorer certaines pathologies neurodégénératives, mais aussi des maladies qui relèvent davantage de la psychiatrie, comme la schizophrénie ou les troubles bipolaires. Sans oublier les sciences cognitives ! »,
Nicolas Boulant, responsable du projet Iseult et directeur de recherche au CEA
Concrétisation d’un projet visionnaire et hors norme
Le projet a fédéré près de 200 personnes, du CEA mais aussi de partenaires industriels et académiques :
- Alstom devenu GE, pour la fabrication de l’aimant ;
- Siemens Healthcare pour l’installation des composants complémentaires du système d’imagerie par résonance magnétique ;
- Guerbet, fabricant d’agents de contraste, qui a utilisé la plateformes d’IRM à très haut champ du CEA pour évaluer et sélectionner des molécules à fort potentiel d’application chez l’Homme ;
- L’université de Freiburg en Allemagne pour le développement de nouvelles technologies et méthodes pour l’IRM à ultra haut champ.
C’est une grande fierté de voir se concrétiser un projet de R&D de presque 20 ans. La force du CEA a été de réunir en un lieu unique des compétences pluridisciplinaires pour définir ce projet, et mobiliser le savoir-faire technologique dans les aimants supraconducteurs, développé pour d’autres disciplines du CEA. Ainsi, les neuroscientifiques, physiciens, mathématiciens et médecins ont pu, ensemble, développer les outils et les modèles permettant de mieux comprendre le fonctionnement du cerveau normal et pathologique et permettre de repousser les limites de l’exploration du cerveau » précise
Anne-Isabelle Etienvre, Directrice de la recherche fondamentale au CEA.
Chiffres clés de l'IRM le plus puissant au monde
- 11,7 teslas (T), son champ magnétique (1,5 et 3 T pour les IRM en service dans les hôpitaux)
- aimant de 132 tonnes, 5 m de long, 5 m de diamètre
- 182 km de fils supraconducteurs
- 1 500 ampères circulant dans la bobine
- Aimant refroidi à - 271,35 °C grâce à 7 500 litres d’hélium liquide
- 90 cm d’ouverture centrale
- 5 heures pour une montée en courant
Remerciements
- Banque Publique d’Investissement
- AROMA H2020 FET-Open (885876)
- ANR-21-ESRE-0006 (France 2030) EquipEx+ PRESENCE