Certains virus, après avoir provoqué une infection, persistent dans l’organisme de façon discrète et indétectable. Ils subsistent dans ce que l’on appelle les « réservoirs viraux ». C’est le cas pour le VIH, qui reste en latence dans certaines cellules immunitaires et peut se réactiver à tout moment. Cela pourrait également être le cas pour le virus SARS-CoV-2, responsable de la Covid-19. C’est du moins l’hypothèse que formule une équipe de scientifiques de l’Institut Pasteur en 2021 et qui a pu être confirmée chez un modèle pré-clinique de primate non-humain. « Nous avons remarqué que l’inflammation perdurait sur de longues périodes chez les primates qui avaient été infectés par le SARS-CoV-2. Nous avons alors suspecté que cette inflammation pouvait être due à la présence du virus dans l’organisme », résume Michaela Müller-Trutwin, responsable de l’unité VIH, inflammation et persistance à l’Institut Pasteur.
Afin d’étudier la persistance du virus SARS-CoV-2, les scientifiques de l’Institut Pasteur, en collaboration avec le centre IDMIT (Infectious Diseases Models for Innovative Therapies) du CEA, ont donc analysé des prélèvements biologiques issus de modèles animaux ayant été infectés par le virus. Les premiers résultats de l’étude rapportent que des virus ont été trouvés dans les poumons de certains individus de 6 à 18 mois après l’infection alors même que le virus était indétectable dans leurs voies respiratoires supérieures ou dans leur sang. Autre résultat : la quantité de virus persistants dans les poumons était plus faible pour la souche Omicron que pour la souche originale du SARS-CoV-2. « Nous avons été vraiment surpris de retrouver des virus au sein de certaines cellules immunitaires, les macrophages alvéolaires, après une si longue période alors que les tests PCR étaient négatifs, souligne Nicolas Huot, premier auteur de l’étude et chercheur au sein de l’unité VIH, inflammation et persistance à l’Institut Pasteur. Par ailleurs, nous avons mis ces virus en culture et pu observer, grâce aux outils que nous avons développés pour étudier le VIH, qu’ils étaient toujours capables de se répliquer ».
2 macrophages liés par une extension cellulaire. Le noyau est en rose et la protéine virale du SARS-CoV-2 en vert. © Marie Lazzerini, Nicolas Huot, Institut Pasteur
Pour comprendre le rôle de l’immunité innée dans le contrôle de ces réservoirs viraux, les scientifiques se sont ensuite intéressés aux cellules NK (Natural Killer en anglais), également connues sous le nom de cellules tueuses naturelles. « La réponse cellulaire de l’immunité innée, qui est la première ligne de défense de l’organisme, a été très peu étudiée lors d’infections par le SARS-CoV-2 jusqu’à présent, souligne Michaela Müller-Trutwin. Or, on sait depuis longtemps que les cellules NK jouent un rôle important dans le contrôle des infections virales. » L’étude montre que chez certains animaux les macrophages infectés par le SARS-CoV-2 deviennent résistants à la destruction par les cellules NK et que chez d’autres, les cellules NK parviennent à s’adapter à l’infection (on parle alors de cellules NK adaptatives) et à détruire les cellules résistantes, en l’occurrence ici les macrophages.
L’étude révèle ainsi un mécanisme pouvant expliquer la présence de « réservoirs viraux » : tandis que les individus ne présentant pas ou peu de virus au long cours avaient une production de cellules NK adaptatives, les individus présentant une quantité plus importante de virus avaient non seulement une absence de cellules NK adaptatives mais aussi une diminution de l’activité des cellules NK. Ainsi, l’immunité innée jouerait un rôle dans le contrôle des virus SARS-CoV-2 persistants. « Nous allons entamer une étude sur une cohorte de personnes ayant été infectées par Sars-CoV-2 au début de l’épidémie afin de savoir si les réservoirs viraux et les mécanismes identifiés sont en lien avec les cas de covid long. Mais ces résultats sont déjà une étape importante dans la compréhension de la nature des réservoirs viraux et des mécanismes qui régulent la persistance virale », conclut Michaela Müller-Trutwin.
Ces travaux ont principalement été financés par une famille de grands donateurs dans le cadre de l’appel à projet COVID-Research Program.