Moins d’un an après l’apparition de la pandémie de Covid-19, Pfizer-BioNTech, puis Moderna, annonçaient la mise au point d’un vaccin à ARN messager à haute efficacité. Une première, puisque cette stratégie n’avait jamais été déployée chez l’homme. C’est l’aboutissement de près de trente ans de R&D, initiés en 1993 avec une preuve de concept établie par une équipe française (Inserm, Institut Cochin et Pasteur Mérieux).
Des méthodes classiques à une nouvelle approche avec le vaccin à ARN messager
Jusqu’alors, tous les vaccins consistaient
à introduire chez l’homme l’agent infectieux (bactérie, virus) sous une forme atténuée ou inactivée, ou l’un de ses composants (souvent une protéine inoffensive), directement ou via un autre virus. Dans le cas du vaccin à ARN messager (ARNm), on n’incorpore plus l’agent infectieux ou l’un de ses fragments, mais
une instruction génétique. Ce sont les cellules de l’individu vacciné qui produisent directement la protéine, en « lisant » cet ARNm.
Explications en vidéo :
La grande famille des vaccins
Vaccin atténué : contient l’agent pathogène vivant, devenu non pathogène à la suite d’une série de sélections.
Vaccin inactivé : contient l’agent pathogène tué (par la chaleur ou des traitements chimiques) et incapable de se multiplier.
Vaccin protéique : contient une protéine de l’agent pathogène produite en laboratoire, le plus souvent par culture de cellules modifiées par génie génétique, pour pouvoir fabriquer la protéine d’intérêt. On parle alors de protéine recombinante.
Vaccin à vecteur viral : contient un virus vivant inoffensif et incapable de se multiplier (par exemple dérivé d’un adénovirus ou du virus de la rougeole) portant le gène qui permettra la fabrication de la protéine vaccinale directement dans l’organisme.
A cette liste viennent désormais s’ajouter
les vaccins à aide nucléique (ARN et ADN).
Fabriquer des protéines
Les gènes contenus dans notre ADN sont les « cahiers d’instruction » de la fabrication de toutes nos protéines. Pour fabriquer une protéine, le gène correspondant est d’abord copié sous forme d’un brin d’ARN messager. Ce brin quitte alors le noyau de la cellule et passe dans le cytoplasme pour être déchiffré par les ribosomes. Ces machines moléculaires synthétisent les protéines, pièce par pièce, en respectant la « notice de montage » portée par l’ARNm.
Le vaccin à ARN messager, comment ça marche ?
Un vaccin à ARN messager (ARNm) contient une copie synthétique d’une petite partie du
génome d’un agent infectieux, sous forme d’ARNm. Celui-ci va permettre à nos cellules de fabriquer elles-mêmes et de manière temporaire une protéine de cet agent. Cette dernière est un intrus pour notre organisme. Notre système immunitaire va donc l’éliminer mais aussi
en garder la mémoire, induisant la protection vaccinale.
Zoom sur :
les différentes étapes de la vaccination
avec de l'ARNm
1. L’injectionLe vaccin contient des brins d’ARNm portant le « plan de construction » d’une protéine (appelée antigène) de l’agent infectieux.
Ces brins sont encapsulés dans de petites bulles lipidiques qui les protègent d’une destruction immédiate. En effet, l’ARNm n’existe normalement qu’à l’intérieur des cellules. « Nu » et à l’extérieur, il serait dégradé très rapidement. Dans le cadre des vaccins contre le virus SARS-CoV-2 responsable de la Covid-19, la protéine choisie pour le vaccin est Spike (Spicule en français). Tapissant la surface du virus, Spike est une sorte de clé permettant au virus de s’accrocher aux cellules humaines et d’y pénétrer pour pouvoir se multiplier. |
© Jérémy Perrodeau / CEA |
© Jérémy Perrodeau / CEA |
2. L’ARNm libéré
Au niveau du point d’injection,
les capsules lipidiques sont ingérées par des cellules du système immunitaire (cellules dendritiques et macrophages) et l’ARNm est libéré dans leur cytoplasme.
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3. L’antigène fabriqué
L’ARNm rencontre les ribosomes, qui vont
lire le plan de construction et
fabriquer la protéine à l’intérieur des cellules. Une fois lu, l’ARNm est rapidement détruit. | © Jérémy Perrodeau / CEA |
© Jérémy Perrodeau / CEA |
4. L’antigène présentéLa protéine est libérée à l’extérieur des cellules. Elle est captée par les
macrophages et les cellules dendritiques, qui vont la « présenter » au
système immunitaire. L’idée est de le stimuler avec un vrai antigène mais faux pathogène
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5. Les lymphocytes activés
et la mémoire gravéeLes
lymphocytes T auxiliaires reconnaissent l’antigène présenté. Ces « relais » vont à leur tour activer d’autres lymphocytes, qui vont se multiplier.
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Les lymphocytes B : ils fabriquent des
anticorps spécifiques capables de se lier à l’antigène et de neutraliser le pathogène.
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Les lymphocytes T cytotoxiques (ou tueurs) : ils sont capables d’éliminer des cellules infectées en créant des trous dans leurs membranes.
C’est la réaction commune à toute primo-infection.
Une faible proportion de ces lymphocytes va se différencier pour former des cellules T et B mémoire, qui peuvent se maintenir dans l’organisme plusieurs années. Lors d’une infection ultérieure, ceux-ci vont immédiatement reconnaître l’agresseur et intensément réagir. L’infection sera alors stoppée sans laisser le temps à la maladie de s’installer.
C’est l’effet vaccin : construire une mémoire sans avoir été malade.
| © Jérémy Perrodeau / CEA
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Pour aller plus loin :
L’ARNm du vaccin peut-il intégrer le génome humain ?
Un ARN ne peut pas s’intégrer à de l’ADN. Il faudrait pour cela une enzyme spécifique, la transcriptase inverse, qui permet de fabriquer de l’ADN à partir d’ARN. Cette enzyme n’existe pas chez l’homme. Les rétrovirus en disposent, mais la
séquence d’ARN des vaccins ne permet pas son action.
Quel recul sur les vaccins à ARNm ?
La durée de persistance des anticorps et de la réponse mémoire restent à évaluer, tout comme les effets secondaires à long terme. Ce dernier point est surveillé en assurant un suivi de la population vaccinée. C’est la phase 4 de tout développement clinique.
Comment se conserve ce vaccin ?
Les molécules d’ARN sont particulièrement instables et peuvent se « casser » au-delà d’une certaine température. C’est pourquoi il est essentiel de préparer et de conserver les vaccins à ARN à des températures très basses.