D’où est venu l’intérêt du CEA pour les thématiques liées au climat ?
Le CEA a montré son intérêt pour la question dès les années 1960 : la mesure des faibles radioactivités, l’un de ses domaines d’expertise, ouvrait de nombreuses applications en géosciences, par exemple par la capacité de dater précisément des échantillons environnementaux. Avec le CNRS, il créa ainsi le Centre des faibles radioactivités (CFR) à Gif-sur-Yvette, suivi dans les années 1970 par la mise en place à Saclay d’un Laboratoire de géochimie isotopique, dont les outils et méthodes ont notamment servi à étudier les variations passées du
climat dans les carottes de glace.
Dans les années 1980, la prise de conscience du changement climatique du fait des émissions de
gaz à effet de serre (GES) dues aux activités humaines commence à s’imposer au sein de la communauté scientifique internationale. Le
Giec (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) est créé en 1988 et plusieurs experts du CEA vont y participer.
Parallèlement, le CEA se dote de nouvelles capacités de calcul et de simulation. La modélisation du climat, élaborée à partir de la compréhension des mécanismes physiques, est en effet un élément clé pour comprendre les variations des climats passés et établir des évolutions futures physiquement plausibles. En 1998, les équipes CEA et le CFR fusionnent pour donner naissance au
LSCE (unité mixte de recherche CEA/CNRS/Université Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines).
Modèle Système Terre de l’IPSL. Illustration des grilles des modèles océaniques, atmosphériques et de surfaces continentales. © CEA/CNRS/Météo-France. Animéa studio.
Qu’ont apporté ces travaux ?
Ils ont contribué à de véritables ruptures de connaissances. La capacité à mesurer les GES dans l’atmosphère dès les années 1970 a notamment permis de suivre la perturbation du climat planétaire par les activités humaines. L’étude des climats passés a montré les couplages étroits entre les variations de température à la surface de la Terre, le niveau des mers et la concentration de l’atmosphère en GES ; ainsi que le rôle clé de l’océan dans le fonctionnement du climat. Plus récemment, les recherches menées au LSCE ont permis de discerner comment des
événements extrêmes ponctuels (canicules, pluies torrentielles, etc.) ont été altérés par le changement climatique d’origine anthropique.
Quels sont les enjeux pour les sciences du climat et du changement climatique ?
Il reste de nombreux défis scientifiques à relever pour comprendre le changement climatique et les évolutions futures plausibles. Des progrès majeurs sont par exemple attendus de la modélisation du climat à une échelle plus fine, pour mieux représenter les processus liés aux nuages et à la
convection atmosphérique. Il reste des incertitudes profondes qui demandent des travaux de recherche de longue haleine pour mieux connaître la vulnérabilité de la calotte antarctique et sa contribution à la montée du niveau des mers.
Légende : Carotte de glace extraite dans le cadre du projet européen Epica.
© CEA-IPEV.
De même, quelles sont les implications du dégel des sols de l’Arctique sur les flux de GES vers l’atmosphère ? De nombreux travaux sont aussi en cours pour mieux déterminer les implications régionales d’un climat qui change. Mais nous avons besoin de connaissances mobilisant toutes les disciplines scientifiques, et tout particulièrement les sciences humaines et sociales, les sciences économiques et les sciences de l’ingénieur pour éclairer les réponses possibles.
Quelles sont ces réponses ?
Elles sont liées à la gestion de risque, aux stratégies d’adaptation et aux options permettant d’aller au plus vite vers la neutralité carbone, condition clé de la stabilisation du
réchauffement climatique. Les questions sont formidables : comment transformer chaque secteur d’activité vers cette neutralité carbone en construisant un développement résilient, soutenable ? Comment mettre en œuvre des transitions et transformations éthiques, équitables et justes ? A nouveau, toutes les connaissances seront nécessaires, celles des acteurs de terrain et celles du monde académique. Il nous faut coconstruire de nouveaux savoirs et permettre à chacun de se les approprier pour comprendre et agir. A ce titre, la prise de conscience des plus jeunes est spectaculaire, partout dans le monde.
Retrouvez cette interview
dans le hors-série des Défis du CEA :