Un potimarron : c’est cet objet insolite qui a été choisi du fait de ses multiples textures par les ingénieurs et les chercheurs du CEA pour réaliser les premières images avec l’IRM humain corps entier du projet Iseult le plus puissant du monde à 11,7 T, installé à NeuroSpin au CEA-Paris-Saclay.
Avec une résolution de 400 microns dans les 3 dimensions, les images de la cucurbitacée préfigurent les prouesses que les équipes scientifiques et techniques du CEA et leurs partenaires seront capables de réaliser pour sonder le cerveau humain, au bénéfice de la recherche fondamentale, des sciences cognitives et de la connaissance des pathologies cérébrales. Ces premières acquisitions valident l’ensemble du processus qui a permis, grâce à de multiples ruptures technologiques, de transformer un aimant « hors norme » en « imageur ».
« Le développement de l’aimant du projet Iseult a été une aventure humaine, technologique et industrielle exceptionnelle. La voir se concrétiser par l’atteinte du champ nominal de l’aimant - 11,7 T – puis ces premières images de haute résolution, si prometteuses, est une vraie fierté pour nous tous ! » s’enthousiasme Anne-Isabelle Etienvre, directrice du CEA-Irfu.
Ces images viennent couronner une vingtaine d’années de recherche qui ont permis d’appliquer les développements technologiques innovants réalisés pour le CERN à la recherche médicale. Cette réalisation est également le fruit d’une coopération franco-allemande initiée en 2006, qui a impliqué des partenaires académiques, l’Université de Freiburg, et industriels, Bruker Biospin, Alstom intégré aujourd'hui à General Electric, Guerbet et Siemens Healthineers. Ce dernier a d’ailleurs implanté les équipements d'imagerie de série MAGNETOM 11.7 T qui ont permis l’acquisition de ces premières images.
"Avec notre IRM 7 teslas MAGNETOM Terra établi pour l'utilisation clinique et la récente introduction de l'IRM 0,55 teslas High-V, je trouve passionnant de continuer à repousser les limites toujours plus loin. Je suis très heureux que notre travail d'équipe commun porte à présent ses fruits. Nous sommes impatients de voir ce que l'imagerie à 11,7 T va nous apporter et de poursuivre notre longue tradition d'innovation dans le domaine de l'ultra-haut champ", déclare Arthur Kaindl, Directeur IRM chez Siemens Healthineers.
Néanmoins, il reste à mener à bien plusieurs optimisations pour obtenir des images d’une qualité approchant une résolution de 100 à 200 microns à 11,7 T. Avant la mise en service de l’IRM du projet Iseult et l’acquisition des premières images chez un être humain, les équipes vont travailler dans les prochains mois aux dernières vérifications des équipements d’imagerie et aux premiers tests de l’antenne développée spécifiquement dans le cadre du projet Iseult. Au printemps 2022 sera déployé davantage le projet européen Aroma qui va permettre la mise au point d’une méthodologie pour le fonctionnement optimal de cet IRM. Enfin, après l’obtention de l’accord des autorités sanitaires, le nouvel IRM permettra de conduire des recherches à l’aide de volontaires.
Pour Stanislas Dehaene, directeur de Neurospin, plateforme de neuro-imagerie Neurospin au CEA-Paris-Saclay, « Grâce à cet IRM extraordinaire, nos chercheurs ont hâte de pouvoir étudier plus finement l’organisation anatomique et structurelle du cerveau. Ces travaux permettront sans doute des applications cliniques majeures ».
Un aimant hors norme au cœur de l’IRM du projet Iseult
132 tonnes, 5 m de longueur, 5 m de diamètre extérieur et 90 cm de diamètre intérieur (pour permettre le passage d’un corps humain entier) : voilà les dimensions extraordinaires de l’aimant du projet Iseult qui atteint un champ magnétique nominal de 11,7 teslas, bien plus puissant que celui des IRM hospitaliers standards (classiquement 1,5 ou 3 T). Pour atteindre ce champ, l'aimant est alimenté par un courant de 1 500 ampères. Les bobines de conducteur sont en permanence refroidies par de l'hélium à l'état superfluide à 1,8 kelvin (soit -271,35°C). Le champ magnétique de 11,7 T est un record mondial dans le domaine de l'IRM pour un tel volume, et un record absolu avec ce type de matériau supraconducteur.
Cet aimant a été conçu par une équipe du CEA qui avait déjà à son actif la conception d’aimants de Tokamak et des aimants des détecteurs du CERN ayant permis la découverte du boson de Higgs. Sa fabrication a débuté en 2010 dans l’usine de Alstom – devenu GE – à Belfort et aura demandé six ans. Près de quatre ans de travaux d'installation et de réglage minutieux pour atteindre l’homogénéité de champ requise auront ensuite été nécessaires pour arriver à sa mise en service opérationnelle en 2021.