La chimie verte
pour répondre à des besoins vitaux
Produire plus et mieux tout en consommant et en rejetant moins, tel est l’enjeu de l’industrie aujourd’hui. Il s’agit de faire face au développement de l’humanité qui pourrait compter près de 9 milliards d’individus à l’horizon
2030-2050, et consommer moins pour préserver la
planète (en prélevant moins de
matière première, en rejetant moins de déchets et en consommant moins d’énergie). Ainsi, à l’aube du XXIème siècle, la chimie est révolutionnée par l’émergence du
concept de chimie verte dans le but de relever cinq grands défis :
- produire de la nourriture (agriculture, élevage),
- produire des médicaments,
- produire de l’énergie,
- produire de l’eau potable,
- protéger l’environnement.
Les douze principes fondateurs
de la chimie verte
Le concept de chimie verte est apparu
aux Etats-Unis dans les années 90. A l’époque, le but recherché était de concevoir des produits et procédés chimiques permettant de réduire, voire d’éliminer l’utilisation et la synthèse de substances dangereuses. Mais c’est en 1998 que Paul Anastas et John Warner, chercheurs à l’Agence américaine pour l’environnement (EPA), ont jeté les bases théoriques de cette nouvelle discipline en publiant un ouvrage [1] énonçant
12 principes fondateurs [2].
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Prévenir la pollution à la source : c’est imaginer un procédé chimique qui évite la production de futurs résidus qui deviendront des déchets.
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Economiser la matière première : l’économie d’atomes, c’est être capable, au sein d’une même matière première, de récupérer toutes les molécules utilisables pour diverses applications dans l’énergie, la cosmétique, l’agro-alimentaire. Il faut pour cela des outils de séparation très puissants.
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Travailler dans des conditions plus sûres : c’est envisageable grâce à l’utilisation de conditions opératoires douces (température ambiante, faible pression…) et l’utilisation préférentielle de produits peu ou pas toxiques pour l’homme et l’environnement.
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Concevoir des produits chimiques moins toxiques : il faut mettre au point de nouvelles molécules à la fois plus efficaces et non toxiques. L’innocuité est évaluée par des études toxicologiques à l’échelle cellulaire et au niveau de l’organisme.
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Utiliser des solvants non toxiques : c’est rechercher des alternatives aux solvants organiques toxiques et polluants, tels que le benzène, le chloroforme, le trichloréthylène, produits chimiques de sinistre réputation.
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Economiser de l’énergie : c’est limiter les dépenses énergétiques et mettre au point de nouveaux matériaux efficaces pour le stockage de l’énergie. C’est aussi rechercher de nouvelles sources d’énergie à faible teneur en
carbone pour générer de faibles émissions de gaz à effet de serre.
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Utiliser des ressources renouvelables : c’est préférable à l’utilisation de ressources fossiles. La biomasse, qui représente l’ensemble de la matière organique qui compose les plantes, les arbres, les déchets animaux, agricoles ou urbains, peut judicieusement servir de matière première renouvelable. Dans le même esprit, ce concept peut être étendu à l’utilisation d’énergies renouvelables.
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Réduire l’utilisation de molécules intermédiaires : c’est préférer (lorsque c’est possible) mettre en œuvre des réactions directes. En effet, les étapes intermédiaires consomment des produits chimiques qui vont, fatalement devenir des déchets.
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Préférer les procédés catalytiques aux procédés classiques : un catalyseur est une substance rajoutée à une solution chimique et qui rend possible une réaction chimique. Il accélère la vitesse de réaction en abaissant l’énergie nécessaire à apporter pour que deux molécules réagissent entre elles. Le catalyseur sort inchangé du processus chimique, il est donc recyclable.
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Concevoir un produit chimique en vue de sa dégradation finale : un produit chimique finira irrémédiablement par devenir un déchet. Lorsque cela est possible, il vaut mieux le concevoir avec l’idée que tout ou partie du déchet qu’il va devenir peut être recyclé. Il doit de plus être conçu de manière à ce que sa dégradation future, naturelle ou accélérée, ne conduise pas à la création de sous-produits dangereux.
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Analyser en temps réel les produits chimiques et leur empreinte dans l’environnement : c’est prévenir la pollution, en contrôlant le suivi direct des réactions chimiques. Il faut être capable de détecter et de quantifier la présence d’agents chimiques et biologiques réputés toxiques, même à l’état de traces.
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Développer une chimie fondamentalement plus sûre : c’est choisir judicieusement les matières premières chimiques pour prévenir les accidents, explosions, incendies et les émissions de composés dangereux. La forme du produit chimique est en outre importante : une molécule gazeuse diffuse plus dans l’environnement que la même molécule sous forme solide…
les enjeux de la chimie au CEA
Les défis de la chimie verte
pour la recherche et l’industrie
La chimie verte représente une réelle rupture entre la chimie du XXème siècle et celle du XXIème siècle. Au XXème siècle, la conception et la mise au point de procédés chimiques étaient essentiellement basées sur un objectif d’optimisation des réactions. Aujourd’hui, les procédés chimiques sont issus d’une conception globale qui tient compte à la fois de la nature et de la quantité de matière mises en jeu (matières premières et solvants), la dépense énergétique requise (notion de chimie douce), la quantité de déchets via le recyclage, ainsi que la possibilité d’analyser les matières en jeu à toutes les étapes sur des quantités d’échantillons réduites (chimie analytique verte).
Un exemple d'application de la chimie verte dans l'industrie
[1] (Green Chemistry : Theory and Practice - Anastas, P. T.; Warner, J. C., Oxford University Press: New York, 1998).
[2] Repris par Stéphane Sarrade dans "La chimie d’une planète durable" (Editions du pommier, 2011)
Notions clés
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Le concept de chimie verte est apparu aux Etats-Unis
dans les années 1990.
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La chimie verte repose sur
12 principes fondateurs.