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Les matières premières critiques

Publié le 2 février 2022

Les matières premières dites critiques sont des matières premières pour lesquelles un risque pèse sur la chaîne d’approvisionnement, soit parce que celle-ci est concentrée dans un très petit nombre de pays, soit parce que la stabilité politique des pays fournisseurs est limitée, alors qu’elles présentent un intérêt économique ou industriel fort pour les pays demandeurs. Certaines sont très utilisées pour le développement des nouvelles technologies, notamment celles des transitions énergétique et numérique. Elles sont donc au cœur d’enjeux stratégiques importants, allant même jusqu’à toucher directement à l’indépendance des pays.

​Qu’est-ce qu’une matière première critique ? 

Une matière première critique est une matière première dont l’approvisionnement peut être sujet à des aléas et dont le défaut peut avoir des impacts industriels ou économiques négatifs importants. Ces matières premières peuvent être aussi bien des métaux que des éléments chimiques. Elles sont répertoriées par la Commission européenne tous les 3 ans depuis 2011, sur une liste qui en compte aujourd’hui 30. Outre les terres rares (un groupe de 17 métaux aux propriétés voisines), cette liste comprend notamment l’indium, le cobalt, le lithium, la bauxite ou encore des métaux nobles comme le platine

Le Comes

En France, le ministère de l’Industrie et le ministère de la Transition Ecologique ont créé le Comes (Comité aux métaux stratégiques) en 2015. Il regroupe entre autres des organismes de recherche français - CEA, BRGM - et des industriels avec trois objectifs :sensibiliser les filières industrielles sur les risques d’approvisionnement en matières premières ;valoriser les ressources primaires (extraites) et secondaires (recyclées) du territoire ;engager une diplomatie des matières premières.  

En France, le Comité pour les métaux stratégiques (Comes) publie depuis 2015 une matrice de criticité permettant d’identifier des métaux stratégiques pour la France, c’est-à-dire des métaux indispensables notamment pour l’économie du pays, l’indépendance énergétique et la défense. Cette liste spécifique à la France inclut notamment l’argent, le chrome ou encore le cuivre, qui ne sont pas identifiés comme critiques au niveau européen. 

Liste 2020 des matériaux critiques

Pourquoi ces matières sont-elles critiques ? 

Ces matières premières ont généralement une production (extraction et raffinage) concentrée dans quelques pays. Or, pour certaines d’entre elles, la demande se fait croissante, comme dans le domaine des batteries, des panneaux photovoltaïques ou des moteurs électriques. Les batteries des véhicules électriques contiennent ainsi du lithium, du cobalt et du graphite, trois matières premières critiques. Or, l’Agence Internationale de l’Energie estime par exemple que la demande en lithium sera multipliée par 10 à 40 d’ici à 2040, par rapport à 2020.

Autre exemple, les aimants permanents. Utilisés dans la plupart des moteurs des voitures électriques ou dans les génératrices d’éoliennes en mer, ils contiennent des « terres rares », dont 75 à 80 % sont extraites en Chine, ce qui rend difficile la diversification des sources d’approvisionnement. Le besoin en matières premières pour le marché européen est stratégique et pourtant l’Europe reste dépendante à plus de 95 % de sociétés hors de l’Union Européenne. 

Quels sont les principaux pays producteurs de matières premières critiques ? 

Parmi les principaux producteurs de matières premières critiques se trouvent :

  • la Chine, qui produit aujourd’hui 86 % des terres rares, 89 % du magnésium, 80 % du bismuth, gallium et germanium ;
  • l’Afrique du Sud, qui produit 93 % du ruthénium, 80 % du rhodium et 71 % du platine ;
  • le Congo, qui produit 59 % du tantale et 64 % du cobalt ;
  • les Etats-Unis, qui produisent 88 % du béryllium ;
  • le Brésil, qui produit 92 % du niobium ;
  • le Chili, qui produit 44 % du lithium ;
  • la France, qui produit 49 % du hafnium (utilisé notamment dans les réacteurs nucléaires de sous-marins).

Cependant, il y a pour chaque matière première une chaîne de valeur : mines, transformation, composants et systèmes, impliquant souvent différents pays, ce qui augmente les risques et les tensions d’approvisionnement.

Dans le domaine de l’extraction du cuivre par exemple, le Chili domine, mais la transformation du minerai en cuivre (utilisable par l’industrie) est majoritairement effectuée en Chine. Même chose pour le cobalt, qui est extrait en République démocratique du Congo (RDC), mais transformé et vendu par la Chine. 

Depuis quand l’Union européenne
s’intéresse-t-elle aux matières premières critiques ? 

En Europe, il existe depuis 2008 une initiative pour les matières premières et un partenariat d’innovation européen sur les matières premières. Ces structures définissent des priorités en termes de recherche et de développement industriel afin de garder le meilleur positionnement possible sur le marché des matières premières. Toutefois, en 2010, la Chine et le Japon ont connu un différend territorial concernant les îles Senkaku, situées en mer de Chine orientale entre les deux pays. La Chine a alors décrété un embargo sur l’exportation des terres rares vers le Japon, ce qui a fortement pénalisé l’industrie high-tech de ce dernier. Par la suite, la Chine a décliné cet embargo en quotas d’exportations vers le reste du monde. Cela a entraîné une forte hausse des prix des terres rares et une prise de conscience chez les pays touchés de leur dépendance. C’est à la suite de cette crise que la Commission Européenne a fortement renforcé son plan d’action avec la création de la première liste européenne des matières premières critiques. Liste qui a permis d’orienter une partie des financements de la recherche européenne (FP7 puis H2020 puis Horizon Europe) sur ces matières, et les terres rares en premier lieu.

Quels sont les enjeux liés à ces matières premières critiques en France ? 

La France est principalement un pays importateur de produits semi-finis et finis. L’enjeu est donc non seulement de sécuriser les chaînes d’approvisionnement des métaux stratégiques que l’on retrouve dans ces produits mais aussi de maîtriser, à terme, les filières technologiques associées. Cela passe par exemple par la prise de parts dans des mines, la création de stocks stratégiques, ou le développement du recyclage, mais aussi par une relocalisation des industries de la transformation, à l’instar de ce qu’a fait la Chine. Le cas des aimants en est un exemple : en quarante ans, ce pays est ainsi passé de simple producteur de minerais de terres rares à premier fournisseur mondial d’aimants permanents. 

Par ailleurs, l’importation et l’utilisation de certaines matières premières et des composants d’un pays dont on ne maîtrise ni la stratégie énergétique ni les conditions d’extraction pose la question de la maîtrise des impacts environnementaux (qui découlent notamment du mix énergétique choisi) et sociaux (qui concernent par exemple les conditions de travail des ouvriers). 

VidéoLes matériaux critiques dans les smartphones

La France, face à cette situation, souhaite sécuriser l’approvisionnement en métaux stratégiques, en particulier les batteries et les aimants en apportant son soutien aux industriels. L’objectif est de leur permettre :

  • le développement des solutions techniques et technologiques sur le territoire afin de réduire cette dépendance,
  • l’investissement dans des mines « responsables » avec des contrats à long terme
  • ou encore la création d’un observatoire des métaux critiques.