Les éléments génériques d’un réacteur nucléaire
Sous l’effet d’une collision avec un neutron incident,
un atome d’uranium se brise en deux : cette fission produit l’éjection d’autres neutrons qui peuvent provoquer à leur tour une nouvelle fission, le tout s’accompagnant d’un grand dégagement d’énergie.
Le réacteur nucléaire est un système permettant de
contrôler cette réaction en chaîne et de récupérer l’énergie qu’elle dégage. Le réacteur proprement dit, quelle que soit
la filière à laquelle il appartient est caractérisé par les principaux éléments suivants :
- Le cœur reçoit
le combustible qui contient les matières fissiles énergétiques ainsi que des matières fertiles qui, sous l’action des neutrons, se transformeront partiellement en matières fissiles. Le combustible peut prendre différentes formes : pastilles, boulets, particules. Ces éléments peuvent être rassemblés en crayons, en aiguilles ou en plaques, eux-mêmes réunis en assemblages.
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Le modérateur a pour rôle de ralentir les neutrons émis lors de la fission, trop énergétiques pour provoquer efficacement une nouvelle fission. Dans les réacteurs dits à neutrons thermiques (comme ceux du parc EDF actuel), les neutrons doivent passer d’une vitesse de 20 000 km/s à une vitesse de l’ordre de 2 km/s, afin que les réactions de fission se produisent plus facilement, et en plus grand nombre. Ces neutrons ainsi ralentis (encore appelés neutrons lents ou neutrons thermiques) sont freinés lorsqu’ils traversent une matière composée d’atomes à noyaux légers qui ne les absorbent pas, comme de l’eau ou du graphite par exemple. Dans les réacteurs à neutrons rapides, on évite au contraire de ralentir les neutrons ; le modérateur est donc absent.
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Le fluide caloporteur évacue du cœur l’énergie thermique dégagée par les fissions et transporte les calories vers les systèmes qui transformeront cette chaleur en électricité : turbine et alternateur (« îlot conventionnel » de la centrale nucléaire). Le caloporteur est soit l’eau dans les “réacteurs à eau” (elle y joue également le rôle de modérateur), soit un métal liquide (sodium ou plomb), soit un gaz (historiquement le gaz carbonique, puis l’hélium) dans les réacteurs à caloporteur gaz. Le fluide caloporteur a également pour fonction de maintenir la température du cœur à une valeur compatible avec la tenue des matériaux.
Aujourd’hui à travers le monde, il existe près de 440 réacteurs nucléaires, dont près de 350 sont des réacteurs à eau légère (eau sous pression REP / eau bouillante REB). Les 58 réacteurs du parc français sont de type REP.
Fonctionnement d'un réacteur nucléaire © C. Beurtey / CEA
L’exploitation courante du réacteur nucléaire électrogène
Pour démarrer la réaction en chaîne dans un réacteur, une source de neutrons est nécessaire. Cette source peut être par exemple du californium, ou une association d’américium avec du béryllium ou du polonium.
- Une fois la réaction amorcée,
des dispositifs de contrôle permettent de réguler la population des neutrons et de maintenir la puissance du réacteur au niveau désiré, voire d’arrêter la réaction en chaîne. Il s’agit de barres de commande, également appelées “barres de contrôle”, absorbantes de neutrons, par exemple à base de bore. Ces barres sont mobiles dans le cœur du réacteur : elles peuvent être introduites ou extraites en fonction du nombre de neutrons à absorber. Elles permettent ainsi de piloter le réacteur.
A noter : en cas d’incident, l’enfoncement complet – « la chute » – des barres de commande au sein du combustible stoppe presque instantanément la réaction en chaîne.
- Des circuits contenant le caloporteur extraient et transportent la chaleur issue de la fission nucléaire. Dans un réacteur à eau sous pression (REP), le caloporteur primaire, fermé et étanche, circule en circuit fermé dans le cœur et transfère sa chaleur à un circuit secondaire via un échangeur de chaleur qui, dans le cas des REP est un générateur de vapeur. Le circuit secondaire sort de “l’îlot nucléaire” pour entrainer via une turbine un turboalternateur, qui générera l’électricité. Un circuit tertiaire, ou circuit de refroidissement, évacue la chaleur inutilisée via un condenseur vers une source froide (eau d’un fleuve ou de la mer) ou à l’air dans une tour de refroidissement. Tous ces circuits indépendants n’échangent que de la chaleur. Ils fonctionnent sous pression, au moyen de circulateurs, de compresseurs, de pompes et de vannes.
Le combustible est usé lorsqu’il ne contient plus suffisamment de noyaux fissiles pour que la réaction en chaîne soit maintenue. Par ailleurs, la gaine étanche contenant le combustible peut s’altérer dans le temps sous l’effet de l’irradiation et de la corrosion en particulier. Le combustible du réacteur doit donc être périodiquement renouvelé.
Le rechargement du combustible nécessite l’arrêt du réacteur. Il s’effectue de manière fractionnée : seulement une partie du combustible est rechargée (1/3 ou 1/4). Le cycle correspond à la durée de fonctionnement d’un réacteur entre deux recharges, entre 1 et 2 ans pour un REP. Un combustible peut durer 3 ou 4 cycles dans un REP, soit entre 3 et 5 ans.
Fonctionnement d'une centrale nucléaire © CEA/Corinne Beurtey
Le cas spécifique des réacteurs à neutrons rapides (RNR)
Il existe des réacteurs nucléaires dans lesquels les neutrons ne sont pas ralentis par un modérateur. On les appelle les systèmes nucléaires à neutrons rapides. Ils présentent trois intérêts majeurs :
- la possibilité de fissionner tout type de plutonium et donc, de multi-recycler le plutonium issu des combustibles usés du parc actuel ;
- la possibilité de brûler tout type d’uranium (dans les systèmes à neutrons lents, seul l’isotope minoritaire uranium 235 -
235U - est utilisé), y compris l’uranium appauvri et celui de retraitement issu du combustible usé ;
- la possibilité de transmuter certains actinides mineurs, qui sont les principaux contributeurs de l’émission de chaleur des colis vitrifiés et de la radiotoxicité résiduelle à long terme des
déchets ultimes.
Au final, ces concepts de réacteur à neutrons rapides permettent une bien meilleure gestion des matières, en exploitant mieux la ressource en uranium et en diminuant la quantité et la radiotoxicité des déchets produits. De ce fait, ces systèmes présentent un intérêt prononcé dans le cadre des études sur les réacteurs nucléaires du futur.
Sur les 6 systèmes sélectionnés par le Forum Génération IV, trois sont à neutrons rapides. Dans ces réacteurs à neutrons rapides, certains éléments génériques varient sensiblement :
- Le
combustible d’un réacteur rapide doit être plus riche en matériaux fissiles, afin de compenser la faible probabilité de neutrons allant fissionner. La large part du combustible composée d’uranium 238, noyaux fertiles, va se transformer en plutonium par capture neutronique : ainsi, tout en produisant de l’énergie un RNR a la capacité de produire de la matière fissile.
- Par définition, le réacteur à neutrons rapides ne comprend pas de
modérateur.
- Le choix des RNR impose des contraintes sur la nature du
fluide caloporteur à utiliser pour refroidir le cœur du réacteur. Le fait que ce fluide ne doit pas ralentir les neutrons exclut l’eau. Ce fluide doit également avoir de bonnes qualités thermiques pour extraire la chaleur. Le sodium liquide par exemple répond à ces critères.
Pour le reste, le fonctionnement du réacteur - hors de l’îlot nucléaire - reste identique à un réacteur à neutrons lents : un circuit d’extraction de la chaleur sort de "l’îlot nucléaire" pour entraîner via une turbine un turboalternateur, qui générera l’électricité. Un circuit tertiaire, ou circuit de refroidissement, évacue la chaleur inutilisée via un condenseur vers une source froide (eau d’un fleuve ou de la mer) ou à l’air dans une tour de refroidissement.
Notions clés
- La
fission nucléaire est la « cassure » d’un noyau très lourd en deux noyaux de taille moyenne.
- La
réaction en chaîne : lors de la fission nucléaire, des neutrons sont libérés. Ils peuvent provoquer à leur tour de nouvelles fissions et la libération de nouveaux neutrons. Lorsque le phénomène se répète, on parle de réaction en chaîne.