Les composantes
du coût du nucléaire
Pour calculer le coût total de production du parc de réacteurs actuel, les enquêteurs de la Cour des comptes ont distingué et additionné :
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les coûts passés (recherche et développement, construction des réacteurs et de toutes les autres infrastructures nécessaires),
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les coûts présents (charges d’exploitation),
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les coûts futurs, qui concernent à la fois l’investissement (le démantèlement des installations) ou les charges d’exploitation à venir (la gestion des combustibles usés et des déchets).
La Cour des Comptes a constaté que la structure des coûts passés et présents du nucléaire était relativement bien identifiée. Par conséquent elle a estimé qu’il n’y a pas lieu de parler de « coûts cachés » ou non intégrés dans le nucléaire.
Les spécificités du nucléaire
La Cour des Comptes a souligné dans son audit que le calcul du coût de l’énergie nucléaire était marqué par de fortes spécificités :
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Un investissement initial très important. Le nucléaire exige des capitaux importants pour la construction des réacteurs et de toute l’infrastructure d’accompagnement. En revanche, cette source d’énergie s’avère relativement peu coûteuse en fonctionnement.
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Un impact limité du coût du combustible. Comparé aux autres énergies fossiles (pétrole, charbon…), l’énergie nucléaire est beaucoup moins dépendante des évolutions du coût des matières premières combustibles. En effet, l’uranium naturel n’entre que pour une faible part dans le coût de production de l’énergie (5 à 7%).
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Des dépenses en partie financées sur fonds public. Une partie des investissements réalisée pour le nucléaire a été faite par l’État : c’est le cas notamment d’une grande partie des dépenses de recherche et développement et de toutes les dépenses liées au contrôle de la sûreté, de la sécurité et de la transparence de l’information. Le montant de ces dépenses étant quasiment égal à celui des taxes spécifiques perçues, le bilan est nul en dépenses et largement positif pour la nation en termes d’activité économique.
Les évolutions prévisibles
du coût du nucléaire
Les frais de maintenance des installations nucléaires devront, en toute logique, augmenter en raison :
- du vieillissement du parc des réacteurs ;
- du renforcement des exigences de sûreté et de sécurité suite à l’accident de Fukushima.
Selon EDF, ce renchérissement avait déjà été largement anticipé par l’exploitant qui avait prévu de doubler ses investissements d’ici à 2025.
Au total, 55 milliards d’euros supplémentaires seront investis dans le parc nucléaire français, avec un impact estimé à environ 10 % sur le coût de production de l’électricité pour passer d’une durée d’exploitation du parc de 40 à 60 ans).
En conséquence, selon les estimations de la Cour des comptes, le coût de production devrait progresser de 49,5 €/MWh (coût de 2010) à 54,2€/MWh en 2025 (en euros constants).
Des incertitudes connues
L’audit de la Cour des comptes a analysé trois facteurs particuliers intervenant dans l’évaluation des coûts du nucléaire en France :
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Les coûts du démantèlement pour lesquels l’industrie dispose encore de peu d’expérience même si plusieurs réacteurs ont déjà été démantelés, par exemple, aux Etats-Unis ;
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Le coût de la gestion des déchets les plus radioactifs du nucléaire, selon les options qui seront choisies.
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Le « taux d’actualisation » : le coût du loyer de l’argent combiné à l’évolution de l’inflation joue un rôle très important dans les calculs des économistes.
Concernant le démantèlement des centrales et la gestion de la totalité des déchets, la Cour des comptes a indiqué qu’ils sont, par nature, très difficiles à prévoir en raison du manque de retour d’expérience dans ce domaine. Cependant, même si les incertitudes sont grandes, leur faible part dans le coût du kWh nucléaire ne conduira qu’à un impact limité : pas plus de 6% du coût global de production. Pour ces charges futures de démantèlement et gestion des déchets, l’État a validé le taux d’actualisation utilisé par les exploitants pour constituer leurs provisions. Ce taux est actuellement inférieur à 3%.
En revanche, pour la construction de nouveaux réacteurs, le taux d’actualisation correspond aux modes et capacités de financement ainsi qu’à la politique d’investissement de l’entreprise. Les valeurs varient suivant les entreprises et sont plutôt de l’ordre de 8%. Compte tenu de l’importance des capitaux nécessaires pour construire un réacteur nucléaire, ce taux joue un rôle clé dans l’économie du nucléaire.
Conclusion :
le nucléaire,
une énergie compétitive ?
La construction des centrales nucléaires du parc actuel a représenté plusieurs milliards d’euros (les investissements représentent plus de la moitié du coût de production) et ont nécessité des infrastructures de recherche, de sécurité et de gestion des déchets importantes. Mais parce que son énergie primaire, l’uranium, est extrêmement concentrée (plus de 100 000 fois son équivalent pétrole), les coûts de transformation, de transport, de recyclage du combustible et de la gestion des déchets sont faibles (16% du coût de production). Le nucléaire présente donc un coût compétitif par rapport aux énergies fossiles et par rapport aux énergies renouvelables.
Le rapport de la Cour des Comptes de janvier 2012 confirme - comme les études précédentes - la compétitivité de l’électronucléaire dans notre pays où le prix de l’électricité est inférieur de 20% à la moyenne européenne. La Cour a par ailleurs estimé que l’augmentation prévisible des coûts du nucléaire ne devrait pas remettre en cause cet avantage.
La Cour des Comptes a également conclu à la nécessité de maintenir la transparence sur l’évolution des coûts et d’actualiser régulièrement les données recueillies à l’occasion de son rapport.