On distingue quatre grands réservoirs naturels de carbone sur Terre : l’atmosphère, la
lithosphère (sols et sous-sols), l’hydrosphère (mers, océans, lacs et rivières) et la biosphère (végétaux, animaux et autres organismes vivants). Si la quantité globale de carbone reste stable sur notre planète, sa répartition entre ces quatre sphères varie continuellement au fil d’échanges et de réactions biologiques, chimiques ou géologiques. Ces échanges se font selon un cycle d’émission et de stockage du carbone dont les variations ont un effet déterminant sur l’évolution globale du climat.
Le cycle du carbone. © Kilia/CEA
Un cycle
à différentes échelles de temps
Le cycle du carbone est décrit par un ensemble d’interactions entre le monde du vivant, l’air, les sols, le sous-sol, et les océans. Les réservoirs de carbone à considérer ne sont pas les mêmes selon les échelles de temps auxquelles on s’intéresse :
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A l’échelle des temps géologiques (> 1 million d’années) : l'érosion chimique humide des roches pompe du dioxyde de carbone (CO2) de l’atmosphère. Ce carbone est ensuite amené à l’océan sous forme dissoute par les rivières et les fleuves. Il peut sédimenter au fond des océans et être enfoui dans la lithosphère. Sur ces échelles de temps, le cycle du carbone est bouclé par des émissions de CO2 dues aux éruptions volcaniques et aux émissions des surfaces océaniques. Ce cycle « lent » du carbone a vu la formation progressive des réserves d’hydrocarbures après enfouissement de quantités colossales de matières organiques durant plus de 300 millions d’années. Ce sont ces réserves de combustibles fossiles que nous brûlons activement depuis 200 ans et qui émettent du CO2 dans l’atmosphère. Ce CO2 additionnel est le principal facteur de réchauffement du climat depuis 60 ans (effet de serre).
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À l’échelle du dernier million d’années : les concentrations de CO2 et de méthane (CH4) dans l’atmosphère ont varié de façon naturelle : les teneurs sont plus basses pendant les périodes glaciaires que pendant les périodes interglaciaires. Ces variations s’expliquent principalement par les modifications de la répartition de la végétation et des zones humides à la surface de la Terre, et par la modification de la capacité d’absorption de carbone par l’océan.
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A l’échelle séculaire ou saisonnière : le cycle « lent » du carbone ne représente plus l’essentiel des échanges et un cycle « rapide » prend le relai entre les océans, l’atmosphère, la biosphère et les sols. Ce cycle rapide implique les plantes qui absorbent du CO2 lors de leur croissance (photosynthèse) et qui, comme les animaux, respirent et rejettent également du CO2. Lorsqu’elle meurt, la végétation relâche une partie de ce carbone vers l’atmosphère, sous forme de CO2 ou de méthane, mais une autre partie est stockée dans le sol.
Actuellement, la végétation et les sols se comportent en puits de carbone et stockent une partie du carbone atmosphérique (sous forme de matière organique, comme le bois ou la tige des feuilles). Une autre partie du carbone atmosphérique est stockée sous forme de CO2 dissous dans les océans, ce qui par ailleurs cause leur acidification. Une fraction de ce carbone dissous est utilisée par les micro-organismes marins pour fabriquer leurs coquilles carbonatées. Ces coquilles s’accumulent dans les sédiments océaniques à la mort des organismes. A l’inverse, les océans peuvent ré-émettre du CO2 vers l’atmosphère (dégazage), notamment dans les eaux les plus chaudes. À l’échelle saisonnière, des variations de la concentration en CO2, en particulier dans l’hémisphère nord, ont été mises en évidence, avec des concentrations plus faibles en été qu’en hiver. Ce phénomène naturel est en lien avec l’intensification de la photosynthèse durant les périodes de printemps et d’été aux latitudes moyennes et hautes, et sa diminution pendant l’hiver. Dans le même temps, la respiration des végétaux et la décomposition de la matière organique du sol émet du CO2 dans l’atmosphère toute l’année, mais avec des flux plus élevées pendant l’été et l’automne.
Enjeux :
étudier les flux anthropiques / maintenir l’équilibre du cycle
Depuis les années 1850 et la révolution industrielle, la quantité de carbone dans l'atmosphère augmente (CO2 et CH4) à cause des activités humaines : consommation d’énergies fossiles (charbon, gaz, pétrole) et développement de l’agriculture (déforestation, changement de l’usage des sols…). Ces émissions sont devenues tellement importantes ces dernières décennies qu’elles modifient le rythme naturel du cycle du carbone. L’ampleur des conséquences des activités humaines a alerté la communauté internationale. Elle s’appuie aujourd’hui sur les travaux des chercheurs pour étudier précisément l’impact de l’Homme sur le cycle du carbone et les rétroactions possibles sur le climat.
Le cycle du carbone est donc complexe. Au total, les puits biosphériques et océaniques absorbent en moyenne l’équivalent de 55 % des émissions anthropiques, avec des variations selon les années. Le reste, soit l’équivalent de 45 % des émissions anthropiques, s’accumule donc dans l’atmosphère. Cela représente actuellement une augmentation annuelle de 0.6 % par an de la teneur atmosphérique en CO2.
Bilan atmosphérique : depuis le début de l'ère industrielle la concentration moyenne de CO2 a augmenté de 42 % ; les interactions de l’Homme avec l’environnement rajoutent chaque année 20 milliards de tonnes de CO2 dans l’atmosphère.
R&D :
étudier les évolutions
du cycle et ses conséquences
Afin de mieux connaître le cycle du carbone, sa dynamique, et simuler le climat du futur, les chercheurs développent différents outils et méthodes pour comprendre les mécanismes du système climatique et en particulier ceux du cycle du carbone.
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La paléoclimatologie est l’étude des climats anciens. Grâce aux prélèvements de glaces notamment aux pôles, de sédiments marins ou lacustres, ou d’autres archives climatiques naturelles (telles que les « spéléothermes » ou stalactites) en différents endroits de la Terre, les climatologues reconstituent les variations passées du climat. Ils analysent son fonctionnement et son évolution au cours du temps, aussi bien pendant les cycles lents et rapides évoqués ci-dessus. Des techniques précises de datations sont développées pour dater les phénomènes.
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Les réseaux d’observation du CO2 puis du CH4, mis en place depuis plus de 50 ans permettent maintenant un suivi précis et continu des différentes composantes du cycle du carbone : mesure de la pression partielle de CO2 dans les océans, suivi des gaz à effet de serre dans l’atmosphère, mesure des échanges de carbone à l’échelle des écosystèmes (forêt, arbre, sols par exemple). Ces recherches sont menées dans le cadre de programmes nationaux ou internationaux (comme par exemple l’infrastructure de recherche européenne Icos, pour Integrated Carbon Observation System).
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Des modèles numériques complètent les observations des évolutions actuelles et passées du climat et permettent de mieux comprendre le fonctionnement du système climatique, ou de certaines de ses composantes comme le cycle du carbone. Les données permettent de valider les modèles. Les supercalculateurs génèrent alors des simulations d’évolution du climat, passé, présent et futur à partir de scénarii de départ qui peuvent être modulés par les chercheurs (en modifiant par exemple les quantités de carbone rejetées dans l’atmosphère dans l’avenir par les activités humaines).