Énergique. C’est le premier mot qui vient à l’esprit lorsque l’on rencontre pour la première fois Giorgio Anania, PDG et cofondateur de la start-up grenobloise Aledia, spin-off du CEA-Leti, qui développe une nouvelle génération de
LEDs (diodes électroluminescentes). Effervescent, aussi. Il ne se précipite pas, mais il faut que ça aille vite. Depuis toujours.
Du concret tout de suite
Bac en poche à 16 ans, master obtenu brillamment à 19 ans à la prestigieuse université d’Oxford (Grande Bretagne), il passe son doctorat à 23 ans à l’université Princeton (Etats-Unis). Giorgio Anania était déjà un jeune homme pressé. Pressé de faire de grandes choses. «
J’ai soutenu ma thèse sur la fusion thermonucléaire. J’avais le sentiment de m’être engagé dans une voie qui pourrait changer la planète, mais il fallait attendre 30 ou 40 ans avant de voir les résultats. Moi, je voulais du concret tout de suite ! J’étais impatient », raconte-t-il rieur.
Alors le jeune thésard se détourne de la recherche et devient conseiller en stratégie dans l’un des plus grands groupes financiers américains. Mais rapidement, il se lasse.
«
J’analysais et critiquais chaque jour le fonctionnement des entreprises alors que je n’avais jamais travaillé dans une société », relève-t-il. Il décide alors de se lancer. Et comme toujours, Giorgio Anania ne fait pas les choses à moitié :
il veut avoir la charge d’une entreprise. Il n’a pas encore 30 ans.
Un entrepreneur-né
Au milieu des années 1980, il s’envole pour la Californie et rejoint un grand groupe de technologie au sein duquel il lance de nouvelles activités.
Il est l’un des premiers au monde à avoir l’idée d’utiliser la nouvelle technologie DSL pour ouvrir de nouvelle ligne de téléphonie fixe résidentielle. «
A l’époque, les habitants des villes comme Séoul ou Mexico attendaient au moins 5 ans pour avoir une ligne téléphonique. Avec notre technologie, nous répondions à ce besoin en quelques minutes », explique-t-il.
Quelques années plus tard, il gère une société de composants optiques qui révolutionnent le monde des télécoms. «
Notre slogan était “Having fun, making history“. Et nous avons réussi : au début des années 2000, deux tiers des coups de fils passés dans le monde utilisaient nos lasers et nous avons aidé à diviser par 10 le coût d’internet », décrit-il avec passion.
En choisissant l’entreprenariat, Giorgio Anania fait ce qu’il a toujours voulu faire : utiliser la technologie pour diffuser le progrès, et «
tenter de changer le monde ».
Le discours n’est pas décousu, loin de là. Mais les paroles fusent. Les chiffres surtout. Avec Giorgio Anania, on parle en centaines de millions d’euros, et même en milliards.
En presque 40 ans de carrière, le sexagénaire a participé à 7 start-up, en a introduit 3 en bourse et a levé plus de 1,4 milliards d’euros.
L’aventure Aledia
Un beau palmarès qui fait sa réputation dans le secteur des technologies, mais aussi auprès des investisseurs. Et c’est pour ses talents de stratège et son goût du risque que les deux autres co-fondateurs d’Aledia, Philippe Gilet et Xavier Hugon, chercheurs au CEA, l’ont approché à l’été 2011. Ceux-ci ont en effet mis au point
des LEDs plus brillantes mais moins énergivores que les diodes actuelles (voir encadré).
Une innovation de rupture qui promet de bousculer l’industrie des LEDs. Mais encore fallait-il convaincre les investisseurs.
LED créées par la société Aledia. © Aledia
«
Giorgio a crédibilisé notre concept et nous a ouvert des portes », raconte Xavier Hugon.
«
Une anecdote reste gravée dans ma mémoire. Au début de notre collaboration, nous sommes allés à la Silicon Valley pour rencontrer des investisseurs. Nous avions prévu une semaine de voyage, mais nous n’avions décroché qu’un seul rendez-vous. Durant la réunion, l’investisseur a téléphoné à des collègues et a dit “Giorgio est de retour, vous devez l’écouter". Nous avons passé le reste de la semaine en entretien. Il nous a appris à ne pas avoir peur de nos ambitions et nous donner les moyens d’y arriver », ajoute Philippe Gilet.
Giorgio Anania était l’élément indispensable à Aledia. Coïncidence ou cadeau amusant, sur son bureau trône une tasse sur lequel il est écrit «
Vous êtes comme le café du matin… indispensable ».
Pour Giorgio Anania, Aledia est un défi exaltant.
Les propriétés des LEDs imaginées au CEA permettent à Aledia de viser le marché du display (écran d’ordinateur, télé, smartphone montre connectée…) dominés jusqu’ici par des géants comme Apple, LG ou Samsung. «
Nos LEDs apportent un vrai avantage dans ce domaine et pourraient remplacer les technologies OLED et LCD. Nous pouvons nous imposer sur ce marché de plus de 120 milliards d’euros par an ! Mais il faut que nous nous développions vite », indique Giorgio Anania.
Et pour cela, la start-up prend peu à peu son envol en s’installant dans ses propres locaux dans la banlieue grenobloise. «
Durant plus de 7 ans, nous avons pu bénéficier des équipements du CEA mais aussi du savoir de ses chercheurs pour poursuivre le développement de notre technologie », souligne le PDG d’Aledia. Une coopération qui permet à la start-up d’être dotée aujourd’hui de
plus de
200 familles de brevets – Aledia est la start-up française qui en a le plus.
L’organisme de recherche est toujours un partenaire clé d’Aledia et participe activement à son développement. Les deux structures ont sollicité ensemble Bpifrance pour financer la première ligne de production pilote d’Aledia. Le CEA s’est également mobilisé aux côtés des instances locales pour permettre à la start-up de lancer la construction de sa propre usine de production au sud de Grenoble. Un projet ambitieux que Giorgio Anania surnomme la «
Vallée du Display » et qui pourrait créer plus de 500 emplois directs et 1 500 emplois indirects d’ici 2025.
«
C’est un moment fantastique pour ouvrir une start-up en France. Le gouvernement français, les instances et les investisseurs ont compris que le monde changeait et qu’il fallait accompagner ce changement. Nous sommes en train de faire l’Histoire », sourit-il enthousiaste.
Les LEDs révolutionnaires d’Aledia
Les LEDs conçues par Aledia sont uniques à plus d’un titre. Contrairement à ses concurrents qui fabriquent des LED planaires en 2D sur des plaques de saphir,
la start-up fait croître des nanofils sur du silicium. Des choix ingénieux qui permettent de
produire davantage de MicroLEDs en une seule fois mais également de réduire drastiquement les coûts car le silicium peut être produit en très grande quantité. A titre d’exemple, la technologie d’Aledia permettra de produire une soixantaine d’écrans de smartphones à partir d’une plaque de silicium, soit 10 fois plus que la technologie actuelle. Autre avantage : il est possible d’intégrer directement dans la plaque de silicium toute l’électronique nécessaire. Dès lors plus besoin d’utiliser « les dalles TFT », ou « transistor en couche mince », chargées de contrôler les pixels, produits exclusivement en Asie.
Enfin, les MicroLEDs d’Aledia offre une solution plus vertueuse.
Moins gourmandes en énergie que l’OLED ou le LCD, les MicroLEDs pourront fonctionner avec des batteries plus petites, limitant ainsi les besoins en ressources (manganèse, lithium, cobalt…).
Propos recueillis par Anne-Laure Lebrun
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