Les écosystèmes terrestres et les océans ont une puissante influence sur le climat en régulant la teneur atmosphérique en CO2. Si on les considère souvent comme déconnectés, il existe pourtant un réseau complexe de transferts hydrologiques appelé continuum aquatique terre-océan (Land-Ocean Aquatic Continuum ou LOAC), qui transporte du carbone du continent vers la haute mer. Cet ensemble complexe regroupe les rivières, les eaux souterraines, les lacs, les réservoirs, les estuaires, les marais littoraux, les mangroves, les herbiers marins et les eaux côtières situées au-dessus des plateaux continentaux.
Sur ce sujet, la majorité des travaux du Giec et du Global Carbon Project estimait que :
- le cheminement du carbone initialement absorbé par des écosystèmes terrestres puis transféré à l’océan s’arrête à l'embouchure des rivières ;
- tout ce carbone est d’origine naturelle.
L’impact des activités humaines sur le continuum aquatique terre-océan (comme la construction de barrages et la destruction de la végétation côtière) n’était pas pris en compte dans ces travaux.
Or, les bilans carbones du continuum aquatique terre-océan réalisés pour la période préindustrielle et contemporaine par les chercheurs leur ont permis de découvrir que le flux de carbone préindustriel1 terre-océan est 50 % plus important que les valeurs admises jusque-là. Ce flux résulte de deux boucles du cycle du carbone plus petites, l’une reliant les écosystèmes terrestres aux eaux intérieures (rivières, eaux souterraines, lacs), et la seconde, la végétation côtière (« écosystèmes du carbone bleu ») et les eaux des plateaux continentaux à la haute mer. Ainsi, le carbone qui est absorbé de l’atmosphère par les écosystèmes terrestres n’est pas entièrement séquestré localement, il est en fait exporté vers ce continuum. Ce constat a des implications importantes pour les inventaires de carbone nationaux qui sont réalisés dans le cadre des accords globaux sur l’empreinte carbone de chaque pays et dont l'impact diffère selon les régions.
Ces résultats soulignent aussi le fait que les activités humaines ont réduit jusqu'à 50 % l'absorption de CO2 atmosphérique par la végétation côtière, et que le carbone d’origine anthropique transporté par les rivières est soit relâché dans l'atmosphère, soit stocké dans les sédiments aquatiques et dans l'océan. «
C’est une nouvelle plutôt positive, remarque Philippe Ciais, chercheur CEA au LSCE (CEA-CNRS-UVSQ), car les sédiments et l'océan offrent des dépôts sans doute plus stables que la biomasse terrestre et le carbone du sol, qui sont vulnérables aux sécheresses, aux incendies et aux changements d'utilisation des terres ». En revanche et s'ils ne sont pas protégés contre l'élévation du niveau de la mer, la pollution et le développement du littoral, l'absorption du CO2 atmosphérique par les écosystèmes à carbone bleu continuera de diminuer et contribuera à un réchauffement supplémentaire du climat.
1 Soit 0,65 milliards de tonnes par an