Il s'agit du plus grand dispositif de fusion nucléaire en fonctionnement : le tokamak JT-60SA a été inauguré vendredi 1er décembre sur le site des National Institutes for Quantum and Radiological Science and Technology (QST) à Naka (Japon). Ainsi se rapproche la perspective d'exploiter l'énergie de fusion.
JT-60SA est le fruit de l'accord « Approche Elargie », une collaboration scientifique signée entre l'Union européenne et le Japon qui vise à faire progresser le savoir-faire dans le domaine de la fusion nucléaire, en parallèle d'Iter, par l'intermédiaire de trois projets dont la réalisation du tokamak JT-60SA. Les travaux ont commencé en 2007 et se sont achevés en 2020 avec la fin de la phase d'assemblage. Depuis, une série d'améliorations techniques ont été apportées afin de réaliser un premier plasma le 23 octobre dernier.
Ce tokamak utilise une partie des infrastructures du tokamak japonais précédent. Il est doté de bobines supraconductrices permettant la réalisation de décharges longues et va bénéficier d'une puissance de chauffage de 41 MW, permettant l'étude des modes très avancés de fonctionnement.
JT-60SA a été conçu pour accompagner l'exploitation du tokamak ITER avec un programme scientifique complémentaire de R&D.
Le CEA fortement impliqué dans la conception et l'exploitation de JT-60SA
Au démarrage du projet, le CEA a été désigné par le gouvernement français pour réaliser les engagements pris dans le cadre de l'« Approche Elargie ». Ainsi, les équipes de la direction de la Recherche fondamentale ont fourni :
- 10 des 20 aimants principaux de JT-60SA, fabriqués à Belfort par General Electric sous la supervision du CEA-IRFM;
- L'ensemble des structures mécaniques de tenue des aimants, fabriquées par deux PME françaises (SDMS à Saint-Romans et Alsyom à Tarbes) sous la supervision du CEA-Irfu ;
- La station d'essai cryogénique permettant les tests des 18 aimants principaux, construite au CEA-Irfu à Saclay ;
- L'usine cryogénique permettant de faire fonctionner l'ensemble des aimants à une température de -269°C, conçue, fabriquée et installée au Japon par Air Liquide avec le CEA-Irig ;
- Un ensemble de 5 alimentations électriques permettant de faire fonctionner les aimants, fabriquées par l'entreprise JEMA en Espagne, sous le contrôle du CEA-IRFM.
Des synergies entre West et JT-60SA
Au-delà de ces engagements, le CEA s'est impliqué dans le développement du plan de recherche de JT-60SA en assurant la coordination de la contribution européenne, mais aussi en participant à la mise en service et à l'exploitation scientifique du tokamak. Ainsi, un chercheur CEA représentera l'Europe comme responsable expérimental, à côté de deux responsables japonais. Le CEA est enfin responsable de la R&D pour les éléments du divertor, composants de première paroi les plus sollicités.
Pour le CEA, JT-60SA offre l'opportunité de comparer et compléter les résultats obtenus sur son tokamak West, où il travaille à lever certains des verrous de la production d'énergie par fusion magnétique tels que le contrôle des flux de chaleur et de particules sortant du plasma ou le confinement du plasma en présence de particules très énergétiques. L'implication du CEA dans JT-60SA va faciliter le développement des synergies entre les deux machines et élargir les possibilités de collaboration internationale, avec un fort impact scientifique dans un contexte très compétitif. Le CEA s'est pour cela doté d'un centre de participation à distance, basé sur son centre de Cadarache, qui pourra être utilisé par tous les chercheurs européens pour contribuer aux expériences de JT-60SA.
La cérémonie s'est tenue en présence de nombreuses personnalités dont Mme Kadri Simson, commissaire européenne chargée de l'énergie, deux ministres japonais et Marc Lachaise, directeur de Fusion for Energy (F4E) qui a déclaré : « Ce qui se passe ici aujourd'hui va compter, demain, lorsqu'il faudra décider de la contribution de la fusion à un bouquet énergétique sans carbone. JT-60SA est un élément clé de la feuille de route en matière de fusion, car il offre à nos experts une possibilité unique d'apprendre, de faire fonctionner ce dispositif et de partager ces connaissances précieuses avec Iter. Il a en outre permis aux laboratoires de recherche et à l'industrie européenne, conjointement avec le Japon, de travailler main dans la main, en développant un véritable partenariat. »
Anne-Isabelle Etienvre, directrice de la recherche fondamentale du CEA, s'est également exprimée depuis la France : « L'expertise historique des équipes du CEA dans les domaines de la cryotechnologie et des aimants supraconducteurs a pleinement été mobilisée, avec celle des partenaires européens et notamment français, ainsi que celle des partenaires industriels Air Liquide, General Electric, SDMS et Alsyom. JT-60SA jouera un rôle clé dans la feuille de route de la fusion nucléaire, et les chercheurs européens et japonais tireront un grand bénéfice de cette collaboration dans les années à venir. »