Pourquoi ce rapport spécial sur les impacts d’un réchauffement global de la planète de 1,5°C ?
Après la publication du 5e rapport du
Giec, le dialogue structuré d’experts a souligné plusieurs points : le fait qu’un réchauffement climatique de 2°C était associé à des risques élevés ; le manque d’informations précises sur les impacts qui pourraient être évités en stabilisant le réchauffement à 1,5°C ; et le manque de données consolidées sur les
trajectoires d’émissions de gaz à effet de serre (GES) permettant de limiter le réchauffement à 1,5°C. Lors des négociations de la COP 21 de la CCNUCC1, la décision associée à l’approbation de l’Accord de Paris a formulé une invitation au Giec de préparer ce rapport. Cette invitation était en particulier portée par les pays les plus vulnérables aux risques climatiques.
Il s’agit d’un effort historique, associé à des transitions profondes des systèmes énergétiques, urbains, industriels et de la gestion des terres. L’ambition de contenir le réchauffement à 1,5°C demanderait d’agir plus tôt et plus rapidement que pour le limiter à 2°C.
Que retenir de ce rapport ?
Nous voyons d’ores-et-déjà trois messages clés. Le premier est que le changement climatique est une réalité, avec un réchauffement planétaire de 1°C au-dessus du niveau préindustriel dû aux activités humaines ; et que ce réchauffement affecte déjà, dans la plupart des régions du monde, les écosystèmes et les sociétés humaines.
Ensuite, chaque demi-degré de réchauffement global supplémentaire renforce très significativement les risques associés, en particulier pour les écosystèmes et les populations les plus vulnérables. L’ambition de stabilisation du réchauffement à 1,5°C demande ainsi de réduire rapidement et profondément les rejets de dioxyde de carbone (CO2), et d’agir sur les autres émissions de GES. Il s’agit d’un effort historique, associé à des transitions profondes des systèmes énergétiques, urbains, industriels et de la gestion des terres. L’ambition de contenir le réchauffement à 1,5°C demanderait d’agir plus tôt et plus rapidement que pour le limiter à 2°C.
Chiffres clés du Rapport spécial +1,5°C :
- 400 pages ;
- 91 auteurs (et 133 contributeurs) de 44 pays ;
- 1 113 relecteurs de 124 pays ;
- 42 001 commentaires ;
- 6 000 publications scientifiques citées.
Tout retard à agir implique un réchauffement supplémentaire dans les prochaines décennies ; revenir ensuite à +1,5°C demanderait alors d’être capable d’extraire le CO2 de l’atmosphère.
Du strict point de vue du fonctionnement intrinsèque du climat, une stabilisation à +1,5°C n’est pas impossible. Et il reste une grande marge de manœuvre. Tout dépend de l’action menée aujourd’hui et avant 2030. Tout retard à agir implique un réchauffement supplémentaire dans les prochaines décennies ; revenir ensuite à +1,5°C demanderait alors d’être capable d’extraire le CO2 de l’atmosphère. Nous sommes face à deux montagnes : l’ampleur de l’effort à faire et l’ampleur du risque.
Peut-on parler de changement civilisationnel ?
Il s’agit en effet d’un défi de transformation sans précédent. Car le climat exacerbe et/ou révèle d’autres réalités : l’épuisement des ressources, l’érosion de la biodiversité, la croissance des inégalités. C’est la grande problématique des limites planétaires.
Et la réponse planétaire à ces changements passe par le
développement durable et l’éradication de la
pauvreté : lutte contre la faim ; accès à une énergie abordable ; droit à l’air pur ; protection de la biodiversité. Le 6
e cycle d’évaluation du Giec s’inscrit dans ce contexte : les risques du changement climatique et les bénéfices à agir rapidement pour réduire les rejets de GES, et pour s’y adapter, sont ainsi évalués pour chaque option d’action vis-à-vis des synergies et des compromis potentiels avec ces différentes dimensions du développement durable. Cette analyse s’accompagne de celle des barrières et des potentiels de déploiement des différentes options d’adaptation et d’atténuation.
la réponse planétaire à ces changements passe par le développement durable et l’éradication de la pauvreté
Des éléments d’incertitude persistent-ils ?
Il existe toujours des incertitudes, et nous les exprimons telles quelles dans chacun des rapports. Pour le rapport spécial +1,5°C, chaque conclusion est exprimée avec un niveau de confiance. Chaque chapitre introduit les méthodes de l’évaluation et les outils utilisés, et conclut par une section portant sur les limites des connaissances disponibles.
Nous sommes par exemple encore limités sur la question de l’utilisation des terres. Quelles sont les différentes pressions sur l’usage des sols pour faire face aux conséquences du changement climatique ? Pour produire la nourriture des animaux et des humains, et les fibres textiles ? Pour produire de l’énergie et stocker du carbone ? C’est pour cela que le Giec prépare pour août 2019 un autre rapport spécial sur cette thématique.
Le Giec incarne un processus remarquable de co-construction par lequel les questions posées par les gouvernements stimulent la production de connaissances nouvelles, l’intégration entre disciplines ainsi que la maturation de l’état des connaissances.
Vous avez réalisé ce rapport en à peine deux ans ….
En effet, ce rapport devrait figurer dans le Guinness World Records ! Je vois plusieurs indicateurs de succès : le nombre de nominations (plus de 1000) reçues pour les étapes de cadrage puis de rédaction ; le nombre de relecteurs (1113 de 124 pays) et de commentaires (42001), ce qui permet aux auteurs de bénéficier d’autant de points de vue critique pour renforcer la rigueur de l’évaluation mais qui correspond aussi à une charge de travail, bénévole, très lourde. De même, l’élaboration d’un glossaire commun à toutes les disciplines des experts a renforcé la rigueur de l’échange d’informations.
Le volume des publications nouvelles sur laquelle nous avons basé ce rapport est également impressionnant : elles traduisent la réponse dynamique de la communauté scientifique à l’invitation de la COP 21, et ont permis à ce rapport d’apporter des éléments nouveaux. Le Giec incarne un processus remarquable de co-construction par lequel les questions posées par les gouvernements stimulent la production de connaissances nouvelles, l’intégration entre disciplines ainsi que la maturation de l’état des connaissances.
1 Convention-cadre des Nations Unies sur le changement climatique, adoptée lors du sommet de la Terre de Rio de Janeiro en 1992.