Dans l'Univers, les trous noirs supermassifs, les amas de galaxies,
les supernovæ, les étoiles doubles et les pulsars jouent le rôle
d'accélérateurs naturels de particules cosmiques (électrons, ions…). Ces
particules y acquièrent une très grande énergie, révélée par l'émission
de rayons gamma. Lorsque ces rayons atteignent l'atmosphère terrestre,
ils y déposent leur énergie sous la forme d'une gerbe de particules
secondaires, lesquelles émettent un flash très ténu de lumière bleutée
que les télescopes gamma peuvent détecter. Le réseau de télescopes
H.E.S.S.-II, plus grand observatoire gamma jamais construit, combine
cinq télescopes de différentes tailles. Il est dédié à l'étude des
rayons gamma d'origine cosmique de très grande énergie (de 1 000 giga
électron-volt (GeV) [1]).
Equipé d'un miroir géant de 28 mètres de diamètre, le cinquième
télescope ajouté en 2012 permet d'abaisser aux alentours de 30 GeV le
domaine en énergie étudié. C'est le dispositif HESS-II qui vient de
faire ses preuves.
En effet, la collaboration H.E.S.S. est
parvenue à détecter plusieurs milliers de rayons gamma d'une énergie de
seulement 30 GeV depuis le sol namibien. « Une prouesse aux limites de la technologie actuelle
», souligne Mathieu de Naurois, chercheur CNRS au Laboratoire
Leprince-Ringuet (CNRS/Ecole Polytechnique) et directeur adjoint de la
collaboration H.E.S.S.. Le signal enregistré par le télescope provient
du pulsar de Vela situé à environ 1000 années-lumière de la Terre dans
la constellation des Voiles. Un pulsar est une étoile à neutrons en
rotation rapide, correspondant au noyau résiduel d'une étoile massive
après son explosion en supernova. Les astronomes ont aujourd'hui recensé
plus de 2 000 pulsars dans la Voie Lactée grâce à leur rayonnement en
ondes radio, mais n'ont pu mettre en évidence l'émission de rayons gamma
qu'en provenance d'environ 140 objets, et ce à partir du télescope
spatial Fermi. Jusqu'à présent, seul le pulsar du Crabe avait pu être
décelé à partir d'un observatoire gamma au sol.
Arache Djannati-Ataï, chercheur CNRS spécialiste des pulsars, Thomas
Tavernier, son étudiant au Laboratoire Astroparticule et cosmologie
(CNRS/Université Paris Diderot/CEA/Observatoire de Paris), qui ont
analysé ces nouvelles données avec des collègues de H.E.S.S. précisent :
« La détection de ces photons gamma dans la direction du pulsar de
Vela vieux de 11 000 ans, à la période de 89 millisecondes, c'est-à-dire
exactement celle de la rotation de l'astre (on peut comparer Vela à un cœur qui battrait toutes les 89 ms),
démontre que H.E.S.S. est maintenant en mesure d'explorer les
phénomènes les plus extrêmes au voisinage des pulsars - à l'intérieur
même de leur magnétosphère mais aussi potentiellement au-delà de leur
cylindre de lumière - ce qui va permettre de mieux comprendre les
processus d'accélération de particules et de rayonnement de haute
énergie de ces objets fascinants. »
Deux ans de travail
(réglage et étalonnage de l'instrument, développement de logiciels de
traitement de données) ont été nécessaires pour aboutir à ce succès. « Le
principal défi résidait dans le fait de réduire le plus possible le
seuil en énergie de l'instrument, tout en conservant le signal au-dessus
d'un bruit de fond colossal », explique Mathieu de Naurois. « Pour
la première fois, cela nous a permis de détecter un signal gamma de
seulement 30 GeV, aux limites de la technologie actuelle. Dans la mesure
où le télescope surveille une fraction de l'atmosphère correspondant à
plus de 10 hectares, nous recueillons, à la même énergie, un nombre de
rayons gamma considérablement plus élevé que les satellites les plus
grands tels que Fermi. » Pour les sources les plus intenses, le
télescope est capable d'enregistrer jusqu'à un photon gamma de haute
énergie par seconde - un record mondial à ces énergies.
La Voie
Lactée recèle de nombreux pulsars, et la situation de HESS-II en Namibie
permet d'explorer les régions centrales de notre Galaxie. Les données
récoltées par HESS-II démontrent la faculté pour ces télescopes
d'explorer et de dévoiler bon nombre des grands mystères de l'Univers.
[1] 1 GeV équivaut à 109 électron-volt (eV), une unité de mesure d'énergie
La collaboration internationale HESS
Cet
observatoire est le fruit d'une collaboration de plus de 180
scientifiques à travers l'Europe et le monde, impliquant 42 instituts de
recherche répartis dans 14 pays différents. En France, le CNRS et le
CEA en sont les principaux contributeurs.
Les laboratoires français impliqués dans HESS
- Laboratoire « Astroparticule et cosmologie » (CNRS/Université Paris Diderot/CEA/Observatoire de Paris),
- Centre études nucléaires de Bordeaux Gradignan (CNRS/Université de Bordeaux),
- Centre de physique des particules de Marseille (CNRS/AMU),
- Institut de planétologie et d'astrophysique de Grenoble (CNRS/UJF) à l'Observatoire des sciences de l’Univers de Grenoble,
- Institut de recherche sur les lois fondamentales de l'Univers du CEA
- Laboratoire d'Annecy-le-Vieux de physique des particules (CNRS/Université de Savoie),
- Laboratoire Leprince-Ringuet (CNRS/École polytechnique),
- Laboratoire de physique nucléaire et de hautes énergies (CNRS/UPMC/Université Paris Diderot),
- Laboratoire Univers et particules de Montpellier (CNRS/Université de Montpellier 2),
- Laboratoire Univers et théories (CNRS/Observatoire de Paris/Université Paris Diderot).
Le réseau de télescopes HESS-II en Namibie. © Christian Föhr, MPIK