Obtenu à partir des observations du télescope
Canada-France-Hawaii (CFHT), dans le cadre du grand relevé du ciel «
Canada-France-Hawaii Telescope Legacy Survey » (CFHTLS), cette
composante, baptisée CFHTLenS, a nécessité 5 ans d’analyse et a permis
d’observer un ensemble de plus de 4 millions de galaxies lointaines. Les
mesures ont été réalisées sur le plus grand volume d’Univers jamais
sondé. Avec ces travaux, les chercheurs ont pu mesurer l’impact de la
matière noire sur la structuration et la géométrie de l’Univers. A
terme, et grâce aux futures données de la mission spatiale Euclid, il
sera possible d’établir une cartographie extrêmement précise de
l’ensemble du ciel extra-galactique jusqu’à une profondeur de 10
milliards d’années, rassemblant ainsi les images de milliards de
galaxies.
Ces résultats font l’objet d’une publication le 11 avril dans l’édition papier de la revue Monthly Notices of the Royal Astronomical Society.
Selon
les derniers résultats obtenus par le satellite Planck (ESA), seulement
4,8% de l’Univers seraient composés de matière ordinaire représentée
par des planètes, des étoiles et du gaz. 25,8% seraient constitués de
matière non visible. Cette matière, appelée « matière noire », forme la
toile cosmique sur laquelle les galaxies sont dispersées, ces dernières
formant comme des gouttes d'eau sur une toile d'araignée. Le reste de
l’Univers (un peu plus de deux tiers) serait composé d’un élément
mystérieux, l'énergie noire, présente partout de manière diffuse, et
responsable de l'expansion accélérée de l'Univers.
Suivant la
théorie de la relativité générale, la lumière est déviée par la
gravitation, créant ainsi des effets d'optique spectaculaires qui
amplifient et déforment les images comme le font les lentilles de verre.
La lumière des galaxies lointaines, difficile à détecter, est déviée
par la matière noire pendant son trajet vers nous à travers l’Univers.
La matière noire laisse, dans la signature lumineuse des galaxies, son
empreinte qui est représentée par la gravité qu’elle exerce. Cette
empreinte se traduit par des effets de distorsion gravitationnelle. Afin
de « voir » la matière et l'énergie noires, les chercheurs mesurent ces
effets de distorsion gravitationnelle ; c’est la technique dite de «lentille gravitationnelle». En 2008, cette technique a permis à une
équipe internationale d’astronomes de mettre en évidence des structures
de matière noire*.
* "270 millions d'années-lumière : la plus grande structure de matière noire jamais observée" :
http://www2.cnrs.fr/presse/communique/1288.htm** Mesures effectuées dans une tranche d’univers jusqu’à 8,8 milliards d’années dans le passé.
Utilisant
à nouveau cette technique dite de « lentille gravitationnelle », la même équipe de recherche, associée à celle du projet CFHTLenS et
impliquant des chercheurs du laboratoire d’Astrophysique AIM (CEA, CNRS,
Université Paris Diderot), a aujourd’hui réussi à établir un nouveau
relevé géant des faibles déformations de plus de 4 millions de galaxies
lointaines. Ces mesures ont été réalisées sur le plus grand volume de
l’Univers jamais sondé**.
Les observations qui ont permis une telle avancée proviennent notamment
de la caméra géante MegaCam, appareil numérique de pointe de 340
millions de pixels, construite par le CEA, et équipant le télescope
Canada-France-Hawaii (CFHT). Ces résultats ont nécessité 5 ans d’analyse
et l'équivalent de 500 nuits d'observation. Et c’est en traitant
l’ensemble des données obtenues et des observations que les chercheurs
ont pu mesurer l’impact de la matière noire sur la structuration de la
toile cosmique et de la géométrie de l’Univers. Suivant leurs analyses,
notre cosmos possèderait une géométrie plate et non courbée. Ce résultat
confirme et complète celui obtenu par le satellite Planck lors de son
analyse du rayonnement diffus à grande distance. Alors que Planck
observe les plus grandes structures à très grandes distances, la
technique de « lentille gravitationnelle » accède aux plus petites
structures où l’effet de la gravité est le plus fort.
Des amas de galaxies déforment le trajet de la lumière, créant une forte amplification et une focalisation des images de galaxies lointaines. Cet effet de "lentille gravitationnelle" existe aussi lorsque la matière est répartie de façon plus diffuse mais elle se manifeste alors par de très faibles déformations des images de galaxies. Cartographier ces faibles déformations par la toile cosmique est une manière indirecte de mesurer les effets de la matière et de l'énergie noires.
© NASA, ESA, L. Calsada
Malgré sa taille, le grand relevé CFHTLenS
représente encore moins de 1% du ciel. Ces résultats pourront bientôt
être complétés par les données recueillies dans le cadre de la mission
spatiale Euclid qui s’affranchira des effets perturbateurs de
l’atmosphère terrestre limitant les sondages des télescopes au sol. Très
attendu des astrophysiciens, ce projet, qui a été retenu en juin 2012
parmi plus de 52 propositions comme deuxième mission du programme Vision Cosmique de l’ESA, va ainsi être lancé dès 2020. L’objectif de cette mission sera de couvrir l’ensemble du ciel extra-galactique et
de mesurer les déformations des galaxies dans la toile cosmique afin
d’aboutir à une cartographie extrêmement précise de l’ensemble du ciel
extra-galactique.