Dans l'Univers, les galaxies sont localisées dans des groupes ou amas, et se déplacent en suivant des « courants », le long de filaments délimitant de grandes régions connues sous le nom de « vides ». Les régions étendues, avec une haute concentration de galaxies, comme celle dans laquelle nous vivons, sont appelées des « superamas ».
Pour la première fois, les chercheurs proposent une définition dynamique de notre superamas de galaxies, évoquant la notion de « bassin versant » en hydrologie. En effet, il leur a été possible de délimiter un volume cosmique dans lequel circulent des « courants de galaxies », comme des cours d’eau dans des ravines. D'un diamètre de 500 millions d'années-lumière, ce « continent extragalactique » contient une masse d'environ 100 millions de milliards de fois la masse du Soleil (cf figure 1 et 2).
Les chercheurs lui ont donné le nom hawaïen Laniakea, accepté par l’Union Astronomique Internationale. Tels les explorateurs dessinant les premières cartes terrestres et maritimes, chacun peut désormais visualiser sur le web une définition dynamique du territoire de notre Superamas. Ce nom signifie « horizons célestes immenses », en hommage à Hawaï, pays de navigateurs aux étoiles qui abrite quelques-uns des plus grands télescopes du monde, utilisés pour cette découverte et celles qui suivront. Car nos cosmographes découvreurs commencent maintenant l’exploration des continents voisins.
Cette recherche met un point final aux questionnements sur le « Grand Attracteur », qui duraient depuis 30 ans : les chercheurs montrent que cette région qui semblait attirer toutes les galaxies voisines, sans paraître pourtant plus dense, apparaît en réalité aujourd’hui comme un large vallon où se déverse la matière, un peu comme le point le plus bas d’une large baignoire plate. L'étude montre par ailleurs que notre continent extragalactique contient environ 100 000 grosses galaxies comme la nôtre et 1 million de plus petites.
Une nouvelle méthode pour cartographier les galaxies
Les réseaux de structures sont connectés avec des frontières mal définies lorsque l’on ne fait qu’une cartographie statique. L’équipe a mis au point une nouvelle méthode pour définir les structures à grande échelle à l’aide des courants de galaxies. Ces calculs sont basés sur les observations conduites par Hélène Courtois, directrice d’une équipe de recherche à l’Institut de physique nucléaire de Lyon (Université Claude Bernard Lyon 1 / CNRS), et les méthodes de visualisation de Daniel Pomarède, chercheur à l’Institut de recherche sur les lois fondamentales de l’Univers (Irfu) du CEA de Saclay.
Il s’agit d’une méthode ressemblant à la recherche de bassins versants alluviaux. Dans les cartes 3D de l'Univers, nous pouvons trouver des lieux où les courants de galaxies, qui sont dus aux concentrations de matière, se séparent ou se rassemblent tout comme l'eau le fait de part et d’autre de la ligne de partage des eaux.
Dans cette étude l’équipe utilise le plus grand catalogue de vitesses de galaxies jamais publié (8 000 galaxies), qu’ils ont préparé depuis des années pour construire une carte vaste et détaillée de la distribution de matière (noire et lumineuse) dans l'Univers.
Dans la vidéo en 3D disponible sur le site de l'Irfu, ils nous montrent comment ils connectent patiemment la surface joignant toutes ces lignes de partage des flots de galaxies qui nous entourent. Dans ce volume d’Univers, tous les mouvements des galaxies sont dirigés vers l’intérieur (par analogie, cette surface délimite notre bassin alluvial). Notre superamas (ou continent de galaxies) est alors défini comme étant le volume englobé, se séparant nettement des autres continents voisins : défini de cette manière, Laniakea est cent fois plus volumineux que ce que l’on pensait depuis 50 ans.
La cosmologie à champ proche est à l’honneur en 2014, R. Brent Tully, co-auteur de l’article ayant collecté les prix prestigieux Gruber (USA), V.A. International Prize (Arménie) et Wempe Award (Allemagne).