Depuis 2,5 millions d’années, les Philippines forment un chapelet d’îles isolées du continent par de profonds bras de mer. La plus ancienne présence humaine connue à ce jour aux Philippines a été datée de 67 000 ans, en 2010. De récentes découvertes sur le site de Kalinga, fouillé depuis 2014, repoussent cette première colonisation à une date bien plus ancienne.
Les fouilles archéologiques ont mis au jour plusieurs restes animaux : varan, tortue boîte, cerf des Philippines, Stegodon (un cousin de l’éléphant) et une espèce de rhinocéros éteinte depuis au moins 100 000 ans, Rhinoceros philippinensis. Celui-ci a été retrouvé sous la forme d’un squelette presque complet, associé à plusieurs dizaines d’outils préhistoriques, taillés sur enclume. La carcasse présente plusieurs traces de découpes sur les côtes et extrémités des membres et des points de percussion sur les os d’un membre antérieur.
Des traces de boucherie laissées par des Hommes
Les archéologues ont pu établir que ces traces sont caractéristiques de traces de boucherie. Ils démontrent que ces animaux ont été découpés avec des outils en pierre comme ceux qui ont été retrouvés près de ce rhinocéros et consommés par des Hommes. L’âge de la mort de ce rhinocéros a été calculé par diverses méthodes radiométriques et paléodosimétriques (datations 40Ar/39Ar, U/Th et résonance de spin électronique) et aussi grâce au paléomagnétisme. Toutes ces analyses convergent vers une période comprise entre 750 000 et 700 000 ans. Malheureusement, en l’absence de restes humains, l’identité des Hommes qui peuplaient cette île est encore inconnue.
Une arrivée sur l’île encore inexpliquée
Ces preuves indirectes de la présence très ancienne d’hominidés sur l’île de Luzon bouleversent les connaissances établies antérieurement et posent de nouvelles questions sur les voies de colonisation de l’Asie du Sud-est insulaire par l’Homme.
Alors que les herbivores sont capables de nager sur de longues distances et ont pu arriver aux Philippines lors de périodes de bas niveau marin, une telle hypothèse n’est pas envisageable pour l’Homme. Un ancêtre de l’Homme, avant même Homo sapiens, maîtrisait-il un mode de navigation ? Cette colonisation s’est-elle, au contraire, faite accidentellement par le biais de langues de terre aujourd’hui disparues, à la suite de tsunami ou d’événements tectoniques ? Ces questions sont aujourd’hui ouvertes.
Les fouilles archéologiques du site de Kalinga ont été principalement financées par le Ministère de l’Europe et des affaires étrangères, le National Geographic, le LabEx BCDiv et la Société des Amis du Musée de l’Homme.
1 Le Laboratoire des Sciences du Climat et de l’Environnement (LSCE – CEA/CNRS/UVSQ, Paris-Saclay) est impliqué dans ces travaux.
Ossements de rhinocéros dans le site archéologique de Kalinga sur lesquels des traces de boucherie ont été retrouvées. © DR