De nombreuses recherches sont actuellement menées dans le domaine de la santé afin de disposer d’outils de prévention, de diagnostic ou de traitement, rapides et adaptés.
Il s’agit notamment de réaliser un diagnostic de plus en plus précoce et fin, de suivre et d’adapter les traitements en fonction de leur efficacité, ou encore de cibler précisément les médicaments vers les organes ou les tissus atteints, à moindre coût. Ces recherches visent aussi à optimiser les interventions chirurgicales. Enfin, elles permettront de suppléer aux fonctions altérées ou perdues tout en diminuant les risques d’effets secondaires liés aux traitements. Intervenant à l’échelle moléculaire, les nanosciences et les nanotechnologies présentent donc des atouts intéressants.
Les biopuces ou puces à ADN permettent aujourd’hui de tester des centaines de milliers de gènes.
Un diagnostic plus rapide
Les nanosciences permettent de mieux comprendre l’organisation et la structure des cellules, jusqu’aux protéines et à l'ADN. L’ADN est une molécule constituée de deux brins enroulés l’un autour de l’autre. Chaque
brin est une succession de
nucléotides. Chaque nucléotide est constitué de trois éléments liés entre eux : un phosphate, lié à un sucre pouvant porter quatre bases azotées différentes – l’adénine (A), la thymine (T), la cytosine (C) et la guanine (G). Comme sur un jeu de construction, un brin « s’apparie » à l’autre brin s’il y a complémentarité : A s’appariant avec T, et C avec G uniquement. En génétique, étudier cette imbrication (que l’on appelle «
séquence ») et identifier les parties présentant des défauts ou des mutations permet de comprendre l’origine des maladies génétiques et la prédisposition de certaines personnes à des maladies données.
Robot de dépôt sur lamelles pour la production de lots utilisés en génomique. © C.Dupont/CEA
Les tests de détection de toxines sont très simples d’utilisation et seront donc utiles aux pompiers et urgentistes. © F.Vigouroux/CEA
Tri des liposomes et recueil des suspensions colloïdales en toxicologie. © L. Médard/CEA
Des nanogouttes d'huile pour transporter les médicaments
Des nano-émulsions, développées par le CEA et le CNRS, pour des applications dans la vectorisation des médicaments, sont formées de gouttelettes d’huile. Le coeur de ces nano-émulsions peut contenir des substances actives. Non toxiques, elles sont « biocompatibles » et traversent les barrières biologiques pour atteindre la tumeur à traiter.
Les chercheurs travaillent également sur l’interface eau/huile pour augmenter la reconnaissance spécifique avec la tumeur.
L’ADN, support du génome humain, peut parfois présenter des
défauts lors de sa reproduction. Sa
mutation ou des
incohérences peuvent alors induire la survenue de cancers.
Trouver des technologies qui permettent de déceler des tumeurs à un stade très précoce, alors même qu’elles sont indécelables avec les moyens d’imagerie médicale actuels, est un enjeu majeur.
Le principe de fonctionnement des
biopuces repose sur l’hybridation de l’ADN, selon laquelle les brins complémentaires se reconnaissent et s’apparient pour former une double hélice.
Par exemple, quand on cherche à identifier une séquence d’acide nucléique responsable d’une maladie :
- des fragments d’acides nucléiques, obtenus par synthèse chimique, reproduisent cette séquence et sont donc désignés par la terminologie « sondes ». Ils sont greffés selon un ordre précis sur un support solide en verre, en plastique ou en silicium pour former un réseau dense et régulier de microsurfaces. Chaque sonde peut contenir de 40 à 60 bases. Une puce peut contenir plusieurs centaines de milliers de sondes ;
- cet échantillon est traité chimiquement pour en extraire un acide nucléique appelé ARN messager ;
- dans un mélange biologique complexe, ces ARN messagers sont mis en contact avec les fragments d’acides nucléiques « sonde » et leurs liaisons sont analysées, par une méthode de fluorescence.
Le concept des
puces à ADN date de 1990 et relève d’une approche pluridisciplinaire : microélectronique, chimie des acides nucléiques, microfluidique, biologie, bio-informatique, microsystèmes et analyse d’images.
L’objectif final est de
proposer un traitement préventif avant l’apparition des premiers symptômes. Elles permettent maintenant de tester des centaines de milliers de gènes.
Elles ont l’avantage d’automatiser, de miniaturiser et de paralléliser les différentes étapes utilisées en biologie. Ainsi, sur une surface de quelques centimètres carrés, les expériences sont menées en quelques heures au lieu de plusieurs mois auparavant ou pourront être multipliées dans un temps donné.
Outre les diagnostics et les traitements préventifs, les biopuces servent également à déterminer la résistance aux antibiotiques de certains microbes ou bactéries et de poursuivre les recherches pour les améliorer. En recherche pharmaceutique, elles représentent des outils précieux pour mieux comprendre l’action des médicaments, leur efficacité ou leurs effets indésirables ou secondaires.
Dans la même famille, il existe les « laboratoires sur puce » ou « lab-on-chip ». Ce sont des laboratoires miniaturisés réalisant des analyses automatisées et en parallèle sur de très petits volumes, une goutte de sang de quelques nanolitres par exemple. Ils permettent de réduire les coûts (des réactifs et des solvants), les surfaces, l’énergie consommée.
De plus, comme ces laboratoires sur puce sont mobiles, ils peuvent tout à fait s’utiliser en dehors d’un laboratoire spécialisé, par un médecin en consultation par exemple. En cas d’infection, ils permettent d’identifier rapidement l’agent responsable (virus ou bactérie), de le caractériser et d’apporter rapidement un traitement efficace.
Ces microsystèmes sont également utilisés pour les contrôles agroalimentaires (comme le suivi des bactéries productrices de ferments lactiques) et environnementaux (analyse bactérienne de l’eau de consommation, détection d’agents infectieux dans l’alimentation, l’air ou l’eau).
Les
« puces à cellules » ou «
cell-on-chip » sont des microsystèmes qui sont destinés à manipuler très précisément dans toutes les directions spatiales possibles et à analyser individuellement des cellules vivantes inférieures ou égales à quelques microns. Cette technique permet l’étude à l’échelle d’une cellule des effets d’une drogue ou de la
transfection d’un gène ou encore la compréhension des interactions entre cellules…
Sur une surface de quelques centimètres carrés, les analyses sont menées en quelques heures au lieu de plusieurs mois.
Principe de fonctionnement d'une biopuce
© Yuvanoé/CEA
Des traitements plus efficaces
Pouvoir distribuer un médicament à la dose adéquate, précisément sur l’organe ou le tissu infecté, est un véritable enjeu. Grâce aux nanotechnologies, ce rêve pourrait devenir réalité.
Aujourd’hui, les médicaments pris par voie orale ou intraveineuse se dissolvent dans l’organisme avant d’atteindre leur cible. Il faut donc administrer une forte dose au patient pour être sûr qu’une dose résiduelle atteigne la zone malade.
De plus, certaines interactions avec des organes « sains » ainsi que des effets secondaires peuvent survenir. La conception de
nano-transporteurs, utilisés pour la vectorisation des médicaments, présente deux intérêts : franchir les barrières biologiques et, grâce à un encapsulage, permettre aux molécules thérapeutiques d’atteindre leur cible sans aucune déperdition.
Les recherches en physique et en chimie tentent d’imaginer et de tester les formes de ces nano-transporteurs pour qu’ils protègent la substance active (le médicament) et que celle-ci soit libérée pendant un temps et dans un espace donnés. D’autres méthodes à l’étude consistent à intégrer les médicaments dans des
nanocapsules qui libèrent leur contenu selon un temps calculé, suite à une stimulation de l’organisme ou extérieure. Par exemple, les troubles liés à l’insuline pourraient ainsi être plus facilement traités.
Utiliser des formulations médicamenteuses de la taille de nanoparticules (beaucoup plus petites que les cristaux couramment utilisés) permet une assimilation plus rapide et plus ciblée. Il est d’ailleurs possible, au moyen de marqueurs spécifiques, de suivre le parcours de ces nanoparticules dans l’organisme et de vérifier leur action sur les cellules malades.
En
thérapeutique, l’un des intérêts de la miniaturisation des systèmes d’analyse est de pouvoir tester rapidement un très grand nombre de molécules dans des systèmes in vitro.
Ce
criblage à haut débit permet d’identifier plus rapidement de bons candidats médicaments. En effet, actuellement, pour plus de 100 000 molécules testées in vitro, seules quelques-unes seront testées chez l’animal, in vivo. Ces microsystèmes permettent donc de disposer plus rapidement de traitements efficaces en évaluant un plus grand nombre de molécules.
Autres innovations
Les
greffes sont fréquemment rejetées par le système immunitaire du patient. Il est donc envisagé d’encapsuler les cellules greffées dans une membrane semi-perméable, constituée de matériau rendu biocompatible par l’emploi de nanocomposés sélectionnés. Les nanopores laisseraient ainsi entrer les substances nutritives et sortir les substances sécrétées par le greffon. En revanche, les anticorps, plus gros que les nanopores, ne pourraient pas passer la barrière.
Dans le cas des prothèses, l’objectif est de fabriquer des matériaux qui ne se dégradent pas et peuvent durer au-delà des dix ans actuels. Les recherches sont menées sur les nanomatériaux composites, plus résistants que les métaux.
Une autre voie étudie la possibilité d’aider un organe défaillant par un implant de taille nanométrique ou sa stimulation au moyen d’un maillage nanostructuré. En cultivant ses cellules in vivo, on peut aider ce tissu à se régénérer en créant des connexions nanométriques entre chaque cellule afin d’obtenir un ensemble construit et viable, comme cela a été pratiqué pour l’épiderme ou pour le cartilage.